dimanche 2 octobre 2011

Souvenirs de projection (Policier, adjectif)


-          Cette semaine, nous avons décidé de faire une pause dans l’actualité pour vous parler d’un film qui nous a marqué, d’une projection inoubliable, d’un moment de cinéma extraordinaire.
-          C’est le genre de séance où, lorsqu’on ressort de la salle de cinéma, on a vraiment l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique et de rare. Quiconque a vu « Policier, adjectif » de Corneliu Porumboiu peut être fier de lui, car ce film, prix du jury « Un certain regard » à Cannes en 2009, appartient à la Nouvelle Vague roumaine.
-          Et oui, il y a aussi une Nouvelle Vague en Roumanie, qui a donné naissance à plusieurs œuvres régulièrement présentes dans les sélections parallèles à Cannes. Mais ce que nous ignorions, c’était que le but de la Nouvelle Vague roumaine est de filmer l’ennui en temps réel.
-          Attention, le lecteur pourrait ne pas comprendre toute la portée de ta dernière phrase. Donnons-lui un exemple : à la fin du film, le héros, un jeune policier chargé de la filature d’un adolescent dealeur, est convoqué par le commissaire. Dans l’antichambre de son bureau, la secrétaire du commissaire annonce au policier qu’il le recevra dans dix minutes. Et c’est à cet instant que transparait tout le génie de la mise en scène du film : pendant dix minutes, le spectateur voit le policier attendre sur sa chaise.
-          Soyons honnêtes, ne forçons pas le trait : à un moment de l’attente, la secrétaire propose quand même un journal au policier (que celui-ci refusera malheureusement).
-          Et nous ne vous avons parlé que de la fin du film ! Si nous avons pu la supporter, c’est bien parce que les presque deux heures qui précédaient étaient du même tonneau et nous avaient endurcis. La mission de filature du policier se révèle tout sauf passionnante (c’est fait exprès), condamnant le héros à marcher longuement et en silence dans des rues bétonnées, délabrées et désespérément vides, à une centaine de mètres derrière celui qu’il surveille. J’avoue avoir lutté contre le sommeil à un moment donné de l’haletante course-poursuite, mais après avoir repris totalement mes esprits, le policier marchait toujours derrière l’adolescent : ouf !
-          Montrer l’ennui d’une manière si crue, ça ne s’était peut-être jamais fait au cinéma auparavant, et cette spécialité du nouveau cinéma roumain a donc quelque chose de remarquable. Mais on est ici bien loin de l’ennui fascinant des personnages de Sofia Coppola. Filmer la réalité dans ce qu’elle a de plus trivial est un calvaire pour le spectateur !
-          Evidemment, ces scènes minimalistes étirées à l’extrême encadrent des scènes de dialogues plus intéressantes (au nombre de deux dans « Policier, adjectif »), en particulier la conversation finale avec le commissaire à la limite de l’absurde et du burlesque, où le titre du film trouve son explication. Mais si ces scènes de dialogues sont plus marquantes, c’est peut-être aussi parce qu’elles rompent avec l’insupportable monotonie de ce qui précédait… La méthode semble un peu facile pour rajouter du poids à ce qui en est dépourvu.
-          « Policier, adjectif » est de ces films qui ne peuvent se voir qu’au cinéma, le seul endroit qui soit assez calme pour accepter (à regret et parce qu’on a payé sa place) de visionner un film aussi lent et aussi morne. Voilà ce que peut proposer de pire le cinéma d’auteur. Il est quand même difficile de regretter une telle expérience : il faut l’avoir vu pour le croire.

On retiendra…
La scène de dialogue finale.

On oubliera…
Montrer l’ennui en temps réel est peut-être intéressant artistiquement parlant, mais c’est beaucoup trop exigeant pour le spectateur…

« Policier, adjectif » de Corneliu Porumboiu, avec Dragos Bucur, Vlad Ivanov,…
Depuis sa sortie française le 19 mai 2010, le film n’est toujours pas sorti en DVD et est introuvable en VOD. Peut-être passera-t-il un jour (ou plutôt une nuit) sur Arte. Alors, bon courage aux amateurs…

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