Sans être pour autant des films
d’horreur, trois films avec des zombies ont été projetés à
Cannes cette année. Cette coïncidence n’annonce pas un intérêt
soudain pour le mort-vivant dans le cinéma d’auteur (il n’y aura
peut-être aucun film de zombie l’année prochaine à Cannes), mais
il est intéressant de regarder ensemble ces films, et de voir à
quels points le traitement de la figure du zombie y est différente
dans chacune des oeuvres.
Après les vampires d’« Only lovers left alive »
en 2013 (son chef-d’œuvre), Jim Jarmsuch poursuit son exploration
des clichés du cinéma d’horreur avec les zombies. « The
dead don’t die » a fait l’ouverture de Cannes, en
compétition (ce qui n’était pas arrivé depuis « Moonrise kingdom » de Wes Anderson en 2012).
Autre « film de zombie » en compétition, « Atlantique »
est le premier long-métrage de Mati Diop, tourné à Dakar. Il a
remporté le grand prix du jury.
Bertrand Bonello fait partie des « grands auteurs » du
cinéma français contemporain, sélectionné trois fois en
compétition à Cannes (la dernière fois pour son meilleur film à
ce jour, « Saint Laurent » en 2014). Son nouveau film a
pourtant atterri à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette
année – est-ce parce que la case « morts-vivants »
était justement déjà doublement occupée en sélection officielle
?
Zombie classique
Pourquoi le cinéma d’auteur s’est-il emparé de la figure du
zombie cette année ? La réponse semble être « pour le
gag » chez Jarmusch, tant son film s’avère creux. Chez Diop,
c’est évidemment pour la métaphore – ces zombies relèvent
d’ailleurs presque de la poésie. Chez Bonello, dont le film est le
moins évident des trois, c’est d’abord pour le mystère.
Jamais hilarant, « The dead don’t die » ressemble à
une comédie qui ne décolle jamais – et qui semble même faire
exprès de ne pas le faire (c’est la patte Jarmusch). C’est donc
assez ennuyeux. Les zombies ressemblent à l’idée que tout le
monde s’en fait. Jarmusch s’amuse plus à glisser des caméos de
stars qu’à développer un propos. Un signe qui ne trompe pas :
pour finir son film, Jarmusch est obligé de recourir au coup du
métacinéma – les personnages avouent tout à coup qu’ils ont lu
(ou pas) le script du film. Le manque d’inspiration est alors
flagrant. Au final, « The dead don’t die » ne vaut que
pour quelques séquences-gags – même si elles reposent sur des
recettes déjà bien éprouvées par le réalisateur : apathie,
répétition, caméo rigolo de Iggy Pop – et Tilda Swinton,
toujours excellente.
Zombie
poétique
Bien plus intéressant est le film « Atlantique » de Mati
Diop – même s’il n’est pas pour autant complètement réussi.
Son ancrage à Dakar est déjà dépaysant. L’absence de
perspective, l’appel du large et de la fuite (les plans sur
l’océan, répétitifs mais vraiment envoûtants) sont superbement
rendus. Le rythme lent du film accroît la sensation d’enfermement.
Il y a beaucoup de belles idées de mise en scène, mais elles ne sont hélas pas forcément exploitées jusqu’au bout et frôlent parfois le caractère gratuitement « poétique » : comme les zombies justement, trop lourdement métaphoriques.
Il y a beaucoup de belles idées de mise en scène, mais elles ne sont hélas pas forcément exploitées jusqu’au bout et frôlent parfois le caractère gratuitement « poétique » : comme les zombies justement, trop lourdement métaphoriques.
Zombie
historique
« Zombi child » est partagé entre deux lignes
temporelles qui n’ont a priori rien à voir entre elles :
l’une à Haïti dans les années 1960 qui raconte un cas de
« zombification » (à l’origine du mythe), l’autre de
nos jours à Paris suit des lycéennes de la Maison d'éducation de
la Légion d'honneur. Les deux sont fascinantes, et gagnent chacune
en originalité en étant confrontée sans transition ni explication
à l’autre. De fait, le lien mystérieux qui existe entre ces deux
lignes narratives si contrastées excite la curiosité. Leur point
commun est le traitement réaliste. Les dialogues des jeunes filles,
fortement teintés de bizarrerie adolescente, sonnent
particulièrement justes (et sont drôles).
Les films de Bertrand Bonello sont d’une ambition visuelle rare, « Zombi child » n’y fait pas exception. Bonello aime les séquences muettes qui captivent par la seule force des images (le segment haïtien du film), à l’image des films de Kurbick (s’inscrire dans sa lignée de Kubrick est d’ailleurs assez rare en France !).
Des trois cinéastes cités ici, il s'avère le plus original. Son zombie n'a pas l'évidence de ceux de Jarmusch, et contrairement à ceux de Diop, il voit son caractère métaphorique gommé par l'aspect « historique » de son zombie et son réalisme. Il résiste à la compréhension – et c'est ce qu'on pouvait espérer de mieux de la part d'un tel cliché ambulant du cinéma d'horreur.
On
retiendra…
En
remontant aux sources du « zombie » et en le confrontant
à l’actualité, Bonello s’avère le plus original sur
l’utilisation du zombie au cinéma.
On
oubliera…
L’absence
d’idées de Jarmusch, qui provoque l’ennui.
« The
dead don’t die » de Jim Jarmusch, avec Adam Driver, Bill
Murray,…
« Atlantique »
de Mati Diop, avec Mama Sané, Amadou Mbow,…
« Zombi
child » de Bertrand Bonello, avec Louise Labeque, Wislanda
Louimat,…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire