jeudi 15 février 2018

La revanche d’une blonde (Revenge)

« Revenge » est bien plus singulier que ne laisse penser son titre passe-partout. Il s’agit d’un film « de genre » (appellation polie pour dire « film d’horreur » et dérivés) d’une réalisatrice française, Coralie Fargeat, racontant une chasse à l’homme – l’expression exacte serait plutôt : une chasse à la femme. Très violent, le film est interdit aux moins de 12 ans, et n’a pas dû passer loin de l’interdiction aux moins de 16 ans.


Contraintes et liberté
Tourné dans le désert marocain, « Revenge » a une identité visuelle forte : la photographie très colorée rappelle la bande dessinée. Ces superbes images sont accompagnées d’une excellente musique électro de Rob, suffisamment maîtrisée pour ne pas faire tomber le film dans le clip – de peu. La mise en scène a plein de bonnes idées, sait ménager des pièges aux spectateurs, et surtout réussit petit à petit à transformer l’horreur du début en défouloir jouissif. Elle se distingue en particulier par des brusques gros plans (sur une mastication ou la chute de gouttes de sang par exemple) qui suspendent et intensifient l’action.
Mais « Revenge » est aussi un premier film. On le devine en cours de projection. Il pâtit d’une volonté de trop bien faire qui se manifeste par des effets de montage très appuyés, une insistance sur des symboles évidents (une pomme dévorée par des insectes au début du film est particulièrement agaçante, un téléachat lors du combat final aussi), en bref une volonté de trop bien faire. Trop soignée, trop calculée, la réalisation de « Revenge » apparait bizarrement comme corsetée… alors même qu’elle est au service d’une histoire de libération !
Un autre point notable à propos du film est son bilinguisme. Le film a été tourné en anglais et en français. Le mélange des deux langues étonne au départ… mais n’est pas utilisé par le scénario, ou presque. On devine donc en cours de projection que ce bilinguisme a été une stratégie pour aider au financement du film (ce qui est effectivement vrai). Cette contrainte sur la langue n’a pas été transformée en atout narratif, au contraire de certaines autres contraintes (telle que l’absence d’acteur connu au casting par exemple), et reste donc à l’état de bizarrerie.
Malgré ces imperfections, « Revenge » pourra divertir, et même plus : son côté féministe soulève de nombreuses questions et suscite la réflexion.

On retiendra…
Les bonnes idées de mise en scène, le passage de l’angoisse à la comédie, la photographie stylisée, la musique.

On oubliera…
La trop évidente maîtrise de la réalisation qui rend mécanique cette histoire de libération.

« Revenge » de Coralie Fargeat, avec Matilda Lutz, Kevin Janssens,…

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