Univers étendus
Pour les
blockbusters américains, 2017 est l’année des univers partagés. Cette stratégie
narrative, qui consiste à produire des films aux histoires interconnectées, les
rapprochant parfois d’épisodes de série télévisée, a été lancée par Disney pour
les films adaptés des comics Marvel, qui s’inscrivent tous dans une saga
intitulée « Marvel cinematic universe ». Depuis
« Avengers », sorti en 2012, cette stratégie s’est avérée si
lucrative que les autres studios hollywoodiens se sont empressés de reprendre à
leur compte la formule de Disney, pour lancer leurs propres univers partagés.
Ainsi Warner
a contre-attaqué sur le terrain des super-héros avec le « DC cinematic
universe », qui prend son essor cette année avec le ridicule « Wonder
woman », puis « Justice league ». Lionsgate parie sur les gros
monstres, avec son « MonsterVerse » lancé par le très divertissant « Kong :
Skull Island », un univers partagé où s’affronteront entre autres King
Kong et Godzilla… Moins compréhensible, Paramount compte décliner avec le
nouveau « Transformers » sa saga en un « Transformers cinematic
universe »…
Ne restait
plus qu’Universal. Le studio cherchait depuis plusieurs années à réactiver les
monstres mythiques qu’il avait mis en scène dans les années 1930 et 1950 :
Frankestein, le loup-garou, l’homme invisible,… Plus que de produire de simples
remakes (comme « Wolfman », 2010) de ces films classiques du cinéma
fantastique qui ont fait la gloire du studio – regroupés sous l’appellation
« Universal monsters » –, le projet d’Universal vise à interconnecter
les nouvelles aventures cinématographiques de ces héros monstrueux dans un
univers partagé appelé « Dark universe ».
« Dracula
untold » sorti en 2014 devait à l’origine être le premier film de ce
« Dark universe » (c’était notamment le sens de son épilogue). Mais
le piètre succès du film au box-office et sa très faible empreinte dans la
mémoire des spectateurs (qui s’en souvient encore ?) ont décidé Universal à
repousser le lancement du « Dark universe » à la sortie de la nouvelle
version de « La momie » (deuxième remake du studio du film original
de 1932).
Le projet
de film a encore gagné en intérêt lorsque Tom Cruise a intégré le casting.
L’acteur-star, auquel on ne confiera certainement jamais le rôle d’un
super-héros du fait de son incapacité à s’effacer derrière le personnage qu’il
joue, a peut-être trouvé un substitut au rôle de super-héros récurrent en
intégrant le « Dark universe ».
Aussi invraisemblable qu’une momie ressuscitée
Les enjeux
derrière « La momie » sont donc colossaux. Ce qui doit très
certainement expliquer tout ou partie de l’échec du film. Le film est en effet
un improbable navet, victime à coup sûr d’un contrôle trop serré des
producteurs, qui l’a condamné dès l’écriture de son scénario.
A force
d’avoir été écrit et réécrit selon les différentes directions données au projet,
le scénario a paradoxalement atteint un stade où il parait bâclé. Il n’y a pas
grand-chose qui tienne la route dans cette histoire où les incohérences
s’accumulent si vite qu’on ne peut plus ne pas les voir. Dans cet univers
« de monstres et de dieux » (slogan du « Dark universe »),
les scénaristes jouent justement aux dieux au mépris de toute vraisemblance. L’intrigue
incroyablement mal construite n’avance qu’à coup de coïncidences si énormes qu’elles
trahissent systématiquement la patte d’un scénariste cherchant à corriger le
travail d’écriture de son prédécesseur. Toute cohérence est perdue, et le
spectateur, à force d’avaler des couleuvres, en fait vite une indigestion.
Ne restent
plus que les scènes spectaculaires. Elles sont plutôt réussies, surtout la
fameuse scène renversante dans l’avion (au final, le seul point d’intérêt du
film). Dans son ensemble, le film est visuellement assez beau, éclairé par une
très belle photographie à la fois sombre et claire. Mais avoir ces belles
images ne sert à rien lorsqu’elles ne sont investies d’aucune émotion. C’est
particulièrement criant à la conclusion du film, lorsque celui-ci essaye de
nous faire croire en un dilemme moral du personnage joué par Tom Cruise. Le
réalisateur tente alors dans une pirouette finale de nous faire croire que son
film était en fait une histoire d’amour… mais comment y croire un seul instant
alors que les personnages n’ont pas été épaissis de tout le film ? La
seule émotion qui nait alors est le rire face à une conduite du récit aussi
mauvaise. Sans parler du fait que l’on ne comprend rien au dénouement final ni
à ses implications, ce qui n’est pas qu’un peu gênant.
« La
momie » est donc un film à l’image de son monstre : une aberration
cinématographique, incohérente, mal ficelée par une intrigue qui s’étiole, et
qui à force de tituber provoque le rire plutôt que l’effroi.
On retiendra…
La scène de la chute de l’avion.
On oubliera…
« La momie » est terrassée
par son scénario, invraisemblable d’invraisemblances.
« La momie » d’Alex
Kurtzman, avec Tom Cruise, Sofia Boutella, Anabelle Wallis,…
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