mercredi 27 mai 2015

Fou et furieux (Mad Max : Fury Road)

Il y a des retours qui forcent l’admiration. Alors même que les sagas cinématographiques ne cessent d’être réactivées par les grands studios (en 2015 : « Jurassic Park », « Terminator », « Star Wars »), avec le souci, pour leur apporter une nouvelle jeunesse, d’engager de jeunes réalisateurs, un nouveau chapitre à la saga « Mad Max » débarque sur les écrans, signé par le même George Miller qui l’avait créé en 1979, trente ans après le dernier épisode.


Justifié
 George Miller, 70 ans, semble revenir de loin – son précédent film était « Happy feet 2 » (2011). Mais au regard du reste de sa filmographie ce n’est qu’un grand écart de plus dans une œuvre à l’éclectisme unique.
Mad Max aussi revient de loin - le héros fou qui a fait connaitre Mel Gibson avait pris un sacré coup de vieux et commençait doucement à sombrer dans l’oubli. Or, l’anticipation sur laquelle est construit l‘univers de « Mad Max » (après une catastrophe, la Terre s’est asséchée en un désert, la civilisation s’est effondrée face à la barbarie) est plus puissante que jamais : de 1979 à 2015, les préoccupations écologiques inquiètent plus que jamais, et le pétrole reste la ressource la plus convoitée. Ce qui a changé, par contre, en trente ans, ce sont les moyens technologiques du cinéma. C’est armé de ces deux arguments que George Miller a sûrement convaincu ses producteurs de lui financer ce retour mûri depuis longtemps.

Fracassant
Pour « Mad Max : Fury Road », George Miller reprend le principe sur lequel avait été construit toute la deuxième partie – déjà très impressionnante – de « Mad Max 2 » : une course-poursuite d’engins automobiles dans le désert. Et il en fait un opéra mécanique. Du bruit, de la fureur, du sang et du pétrole : voilà l’essence de « Mad Max 4 ». Un spectacle devant lequel le spectateur, fouetté par le sable, frappé par la foudre, aveuglé pat la vitesse, sent un goût métallique s’emparer de son palais, sans qu’il sache si c’est celui du sang ou celui d’une carcasse automobile. Ce n’est plus du cinéma, c’est une orgie de fracas, d’explosions, de vitesse, de tonitruance. Un vacarme infernal à vous déchirer les tympans, comme un concert de métal au plus près de la scène. Une démesure de tôles froissées, d’hurlements barbares, de châssis enflammées, d’éboulements de rocs, de membres charcutés, de tirs de fusil, de rictus sauvages, de visions traumatiques, de rafales de sable, de tornades titanesques. Une folie baroque, d’une violence impensable, d’une liberté ahurissante, d’une invention constante.
Autant de raisons qui en font le spectacle visuel le plus impressionnant produit au cinéma depuis bien longtemps.

Rectiligne
Pour foncer, il faut aller droit. Le scénario est donc volontairement épuré à une intrigue minimaliste capable de supporter et d’alimenter une avalanche de scènes d’action : à savoir une course-poursuite géante d’une ampleur inédite dans l’histoire du cinéma. Ce scénario porté par une unique ligne directrice propice à toutes les extravagances fait penser à celui de « The Raid » (précédent jalon du cinéma d’action) et de « Snowpiercer ».
La succession des scènes d’action est telle que le spectateur est rapidement dépassé par ce qu’il vient de voir. La démesure de Miller fait éclater tous les repères, au point que la notion du temps écoulé s’abolit. Impossible de savoir quand ce film déraisonnable va s’arrêter : lorsque le film ralentit, semble sur le point de se conclure, ce n’est que pour redémarrer de plus belle, plus furieux que jamais, au mépris de la fatigue du spectateur, qui ressortira extenué de la salle avec l’impression d’avoir vu cinq ou six blockbusters en une seule séance.

Réinventé
Il ne s’agit ici plus d’une « simple » suite à « Mad Max ». C’est une réinvention totale de la saga phare de George Miller, qui s’impose dans le panthéon des réalisateurs démiurges avec une force d’autant plus dingue que ce retour était inattendu. « Mad Max : Fury Road » est un classique instantané, protégé de la rouille grâce à la cohérence de sa direction artistique renversante et l’usage limité des effets spéciaux numériques : tout concourt en effet à faire du film un opéra mécanique, jusqu’aux images légèrement saccadées dans les scènes d’action les plus intenses (ce qui rend l’action plus lisible et rappelle le déroulement d’un mécanisme).
Face à un tel tournage, on ne peut que s’incliner. Face à une telle œuvre, il n’y a plus qu’à crier au chef-d’œuvre.

On retiendra…
Un opéra mécanique et baroque, bâti sur l’ivresse de la vitesse et la jouissance de la violence, d’une démesure totale, inimaginable jusqu’à ce qu’on l’ait vu.

On oubliera…
Tom Hardy compose un Mad Max qui paraît parfois trop doux, trop sympathique pour que sa solitude farouche et son indifférence cruelle paraisse plausible.


« Mad Max : fury road » de George Miller, avec Tom Hardy, Charlize Theron,…

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