Une
claque ! La lecture des premières pages de « Trois oboles pour
Charon » est un ébahissement. Il ne peut pas en être autrement devant une
écriture aussi frappante, à l’incroyable force d’évocation, riche et profonde
mais pourtant d’une fluidité sans pareille, qui happe littéralement l’attention
du lecteur. C’est magnifique. Je n’avais pas découvert une telle puissance
stylistique dans la littérature de l’imaginaire depuis « Janua Vera »
de Jean-Philippe Jaworski. Cette langue incroyable donne l’impression de redécouvrir
toutes les situations qu’elle décrit, apporte une originalité à toutes les
descriptions. Après celle de Jaworski et Niogret, l’écriture de Franck Ferric
affirme encore une fois le fait que la littérature crée sa propre
nécessité : le style permet d’imposer n’importe quel texte, même ceux qui
ne sont pas follement originaux.
Vivre, mourir, recommencer
Mais qui
donc est Franck Ferric ? L’auteur, qui signe là son premier roman dans la
collection Denoël-Lunes (mais qui avait déjà publié plusieurs textes aux
Editions du Riez) est assurément la plus belle découverte littéraire de cette
année dans la sphère de l’imaginaire.
Dans
« Trois oboles pour Charon », Ferric raconte les errances d’un homme
à travers les guerres de toutes les époques. Cet homme ne cesse de revenir à la
vie année après année, siècle après siècle, et toujours au milieu d’un combat.
Il s’extraie de terre tel un enterré par erreur et finit invariablement tué par
un coup mortel, victime répété de guerres qui ne le concernent pas. Le
nautonier des Enfers, Charon, lui refuse en effet le passage du Styx : il
faut pour cela payer les trois oboles du titre. Cet homme, parce qu’il n’a
d’autre choix que de boire les eaux du Léthé à chacun de ses séjours aux
Enfers, ne se souvient plus de son histoire, oublie tout de ses vies passées à
chaque résurrection, et a perdu jusqu’à son nom. Cependant, si son esprit est
amnésique, son corps, lui, se souvient.
Il est fort
dommage que le quatrième de couverture dévoile l’identité du personnage
principal du roman, preuve supplémentaire qu’il faut toujours lire les résumés
de quatrième de couverture… à la fin de la lecture de tout ouvrage (précepte
que j’ai comme d’habitude, et heureusement, appliqué ici). Après le style avec
laquelle elle est racontée, l’intrigue développée par Franck Ferric – qui fait
penser immédiatement au scénario du film « Highlander » – tire avant
tout son intérêt des effets de dévoilement successifs. A vrai dire, une fois que
le héros aura recouvré toute sa mémoire, le roman perdra un peu de sa puissance.
Certes, il fallait bien montrer que l’éternité, c’est long… mais le roman
regagnera bien vite de l’intérêt lorsque peu à peu, la puissance symbolique du
héros s’agrandira jusqu’à en faire une quasi-allégorie.
En
définitive, Franck Ferric n’est pas passé loin du chef-d’œuvre. Si on
regrettera que l’intrigue du roman ne soit pas plus riche, on ne s’est par
contre toujours pas remis de la force de cette écriture. Avec « Trois
oboles pour Charon », Franck Ferric réalise une entrée fracassante dans la
collection Denoël-Lunes d’encre.
« Trois oboles pour Charon » de Franck Ferric, Denoël-Lunes
d’encre
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