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Michel Gondry est peut-être le seul réalisateur
français à réaliser aussi librement des films de chaque côté de
l’Atlantique : ses tournages alternent entre Amérique et France. Ainsi,
après avoir réalisé le film-concept « The We and the I » - une de ses
meilleures œuvres à ce jour – dans un lycée du Bronx, il revient en France pour
son neuvième film : « L’écume des jours ».
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Et pas n’importe lequel : l’adaptation du
roman surréaliste éponyme de Boris Vian, publié en 1947 ! Je n’avais
jamais autant attendu un film de Gondry : ce classique de la littérature
française, qui semblait inadaptable par ses métaphores surréalistes, lui paraissait.
Michel Gondry a bâti depuis ses débuts une très forte identité visuelle qu’on
ne décrit pas mieux qu’avec les termes « fantaisie bricolo » : sa
mise en scène, plutôt que de rendre les effets spéciaux invisibles, préfère
révéler leur trucage. Ses films feignent ainsi un côté amateur, qui s’exprime
par exemple dans des séquences en stop motion, procédé abondamment utilisé par
Gondry.
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Un aspect bricolage qui atteint une forme
poétique très émouvante, et qui n’appartient qu’à lui. Une telle mise en scène
semblait donc s’accorder parfaitement à la fantaisie de Boris Vian : les
producteurs, convaincus, lui ont alloué un budget conséquent, le plus important
de ses films tournés en France, qui lui a permis de recruter un casting
prestigieux qui semblait, là aussi, idéal pour cette adaptation : Romain Duris,
Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh,…
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Au final, « L’écume des jours » se
révèle être un film aussi génial visuellement qu’attendu : Gondry s’est amusé
à adapter le roman littéralement, mêmes dans ses passages les plus surréalistes
– et le résultat à l’écran est épatant !
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Et pourtant, tu ne nieras pas que la rencontre du
réalisateur avec Vian n’a pas produit son chef-d’œuvre, bien qu’il soit à ce
jour son film le plus ambitieux visuellement.
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Gondry est-il allé trop loin ? Pour la première
fois, le réalisateur semble s’être heurté aux limites de sa mise en
scène : les trouvailles visuelles du réalisateur inondent l’image, à un
point qu’il n’avait encore jamais osé auparavant. Mais cet émerveillement
visuel ne saurait cacher un malaise au niveau des acteurs : confinés sous
l’avalanche des bricolages du réalisateur, ils ne disposent plus d’assez
d’espace pour incarner leurs personnages. En conséquence, Audrey Tautou, Romain
Duris et Omar Sy sont réduits à jouer des caricatures d’eux-mêmes. Sans espace
pour respirer, le casting idéal se révèle un piège, en ne produisant aucune
surprise – mis à part celle du réalisateur jouant lui-même dans son film.
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L’adaptation littérale du roman appelait ce
fouillis visuel. C’est la première qualité du film, mais sa production ôte au
film une grande part de son émotion – celle que les acteurs devaient
transmettre… Difficile de croire vraiment à l’histoire d’amour entre Colin et
Chloé, qui est pourtant le squelette-même du récit !
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Le film surprend quand même dans sa deuxième
partie, lorsque Gondry montre que ses bricolages sont aussi capables d’inspirer
la terreur… De quoi faire de « L’écume des jours » le film le plus
étrange et insaisissable de Gondry.
On retiendra…
La fantaisie bricolo de Michel
Gondry portée à son paroxysme. Une magnifique bande-originale.
On oubliera…
Des personnages pas assez
incarnés, noyés sous le déluge des bricolages, provoquant un déficit émotionnel
du film.
« L’écume des
jours » de Michel Gondry, avec Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy,…
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