- Fatigué et profondément déçu des méthodes de productions de Hollywood, Mathieu Kassovitz revient en France avec « L’ordre et la morale », l’accomplissement d’un projet de longue date pour le réalisateur.
- Kassovitz voulait depuis longtemps raconter les péripéties qui ont conduit l’armée française à lancer un assaut en avril 1988 sur l’île d’Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) pour libérer trente gendarmes pris en otage par des indépendantistes kanaks, alors que le capitaine du GIGN Philippe Legorjus avait négocié une libération des otages sans effusion. Les événements sont vécus par le spectateur aux côtés de ce capitaine, qui découvre peu à peu comment cette prise d’otages est instrumentalisée par la politique. La France est en effet entre les deux tours de l’élection présidentielle qui verra la réélection de François Mitterrand.
- Apparemment ce n’est pas non plus en France que Kassovitz trouvera la tranquillité et la liberté qui lui manquaient lors des productions de « Gothika » (2003) et « Babylon A.D » (2008) : tournage interdit en Nouvelle-Calédonie « pour raisons de sécurité », refus de l’armée française d’apporter un soutien logistique sur le tournage, et enfin à trois semaines de sa sortie en salles, le refus de l’exploitant des salles de cinéma de Nouvelle-Calédonie de diffuser le film.
- Kassovitz est un des rares réalisateurs français qui se confronte de manière frontale aux erreurs de la République française. Après « La haine » sur les banlieues en 1995, « Assassin(s) » en 1997, le réalisateur suscite de nouveau la polémique.
- Rassurons le spectateur : « L’ordre et la morale » n’est pas un plaidoyer pour la cause kanak, ce qui aurait sonné faux et agacé le spectateur. Le réalisateur a voulu garder une neutralité en essayant de décrire objectivement avec le plus de précisions possible tout ce qui a conduit au choix de l’assaut par l’armée française. Cette description n’est évidemment pas sans émotion, et l’on aura du mal à se ranger du côté de l’armée à l’issue de la projection, mais le film ne nous force pas à adhérer à adopter une vision unilatérale des événements.
- L’histoire de cette prise d’otages est incroyable et complètement méconnue en métropole. Mais le film n’a pas pour seul mérite de rappeler cet événement, même si c’est déjà beaucoup. Il est admirablement bien réalisé, très clair dans sa narration presque mécanique (musique quasi-absente, découpage du film suivant les jours restant avant l’assaut), et réussit à faire entendre très facilement leurs enjeux. Sans oublier l’époustouflante séquence finale filmée en plans-séquences.
- Cette narration mécanique du film représente aussi sa limite. Celui-ci ne quitte que trop rarement sa fonction explicative (lors de la scène finale par exemple). Le réalisateur n’exprime au final rien de plus que ce qu’il explique si bien dans le film. C’est certes déjà beaucoup, et nécessaire, sauf que le spectateur n’aura pas besoin d’une nouvelle projection pour explorer plus profondément le film : la leçon est déjà comprise.
On retiendra…
Une narration virtuose des événements. Le spectateur est littéralement aux côtés du capitaine Legorjus.
Ou oubliera…
Le film est tout entier tourné vers son objectif d’explication.
« L’ordre et la morale » de Mathieu Kassovitz, avec Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas,…
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