« Revenge »
est bien plus singulier que ne laisse penser son titre passe-partout. Il s’agit
d’un film « de genre » (appellation polie pour dire « film
d’horreur » et dérivés) d’une réalisatrice française, Coralie Fargeat, racontant
une chasse à l’homme – l’expression exacte serait plutôt : une chasse à la
femme. Très violent, le film est interdit aux moins de 12 ans, et n’a pas dû
passer loin de l’interdiction aux moins de 16 ans.
Contraintes et liberté
Tourné dans
le désert marocain, « Revenge » a une identité visuelle forte :
la photographie très colorée rappelle la bande dessinée. Ces superbes images
sont accompagnées d’une excellente musique électro de Rob, suffisamment maîtrisée
pour ne pas faire tomber le film dans le clip – de peu. La mise en scène a
plein de bonnes idées, sait ménager des pièges aux spectateurs, et surtout réussit
petit à petit à transformer l’horreur du début en défouloir jouissif. Elle se
distingue en particulier par des brusques gros plans (sur une mastication ou la
chute de gouttes de sang par exemple) qui suspendent et intensifient l’action.
Mais
« Revenge » est aussi un premier film. On le devine en cours de
projection. Il pâtit d’une volonté de trop bien faire qui se manifeste par des
effets de montage très appuyés, une insistance sur des symboles évidents (une
pomme dévorée par des insectes au début du film est particulièrement agaçante,
un téléachat lors du combat final aussi), en bref une volonté de trop bien
faire. Trop soignée, trop calculée, la réalisation de « Revenge »
apparait bizarrement comme corsetée… alors même qu’elle est au service d’une
histoire de libération !
Un autre point
notable à propos du film est son bilinguisme. Le film a été tourné en anglais
et en français. Le mélange des deux langues étonne au départ… mais n’est pas
utilisé par le scénario, ou presque. On devine donc en cours de projection que
ce bilinguisme a été une stratégie pour aider au financement du film (ce qui
est effectivement vrai). Cette contrainte sur la langue n’a pas été transformée
en atout narratif, au contraire de certaines autres contraintes (telle que
l’absence d’acteur connu au casting par exemple), et reste donc à l’état de
bizarrerie.
Malgré ces
imperfections, « Revenge » pourra divertir, et même plus :
son côté féministe soulève de nombreuses questions et suscite la réflexion.
On retiendra…
Les bonnes idées de mise en
scène, le passage de l’angoisse à la comédie, la photographie stylisée, la
musique.
On oubliera…
La trop évidente maîtrise de la
réalisation qui rend mécanique cette histoire de libération.
« Revenge » de
Coralie Fargeat, avec Matilda Lutz, Kevin Janssens,…