On n’arrêta
pas Ridley Scott. Le cinéaste anglais qui s’apprête à fêter ses 80 ans a retrouvé
une seconde jeunesse depuis qu’il est revenu à ses premières amours au cinéma,
la science-fiction. Près de quarante ans après leur sortie, il réactive cette
année ses deux films mythiques que sont « Alien, le huitième passager »
(1979) et « Blade runner » (1982) – qui sont, encore aujourd’hui, ses
deux meilleurs films…
« Alien :
Covenant » est la suite directe de « Prometheus » (2012). C’est
donc comme ce dernier une préquelle à la saga « Alien ». Le
réalisateur s’inscrit dans l’exacte continuité de son travail sur « Prometheus ».
On retrouve dans « Covenant » les mêmes points forts : la
photographie magnifique, clinique et froide, de Dariusz Wolski, le jeu sur les
attentes et les réminiscences du premier « Alien » de Ridley Scott,
la superbe direction artistique qui ressuscite H. R. Giger… et Michael
Fassbender, ici dédoublé, qui se révèle être l’épine dorsale de cet arc
narratif en préquelle.
Faux remake, vraie surprise
Le film
commence au départ plutôt mollement, semblant suivre sans grande imagination
les rails déjà bien usés du scénario d’un film « Alien » : un
équipage est dérouté vers une planète inconnue… Comme dans « Prometheus »,
Ridley Scott brouille en fait les pistes puisque cette impression trompeuse de
remake inavoué d’ « Alien, le huitième passager » (renforcée qui
plus est par la reprise à la musique du thème composé par Jerry Goldsmith) sera
rapidement démentie une fois que l’équipage aura posé pied sur la planète… et
que son massacre va commencer.
Ridley
Scott ne fait pas dans la demi-mesure : les fameuses éventrations sont
vraiment dégoûtantes et ce basculement soudain dans l’horreur et dans l’inconnu
(à l’image comme au scénario, qui cesse de reproduire l’intrigue d’ « Alien,
le huitième passager »), installe un malaise et une tension d’une
efficacité folle. La mise en scène joue avec les nerfs des personnages comme
avec ceux des spectateurs, cachant la créature dans l’obscurité ou les recoins
des décors… La créature va si vite et provoque des explosions de violence si
soudaines que l’on reste en permanence sur le qui-vive tout au long du film. Le
travail sur le son est à ce titre vraiment extraordinaire, puisque la créature
semble se déplacer à travers la salle de cinéma. Le danger peut venir de
partout, et l’on ne peut se fier à personne, et notamment du deuxième androïde joué
par Michael Fassbender. Sans trop en révéler, ce dédoublement des rôles de l’acteur
est l’une des plus belles idées de scénario de ce nouvel opus, exploité de
manière très ludique par la mise en scène, l’interprétation et le scénario.
(C’est
assez drôle d’ailleurs qu’à la prise de pouvoir du personnage joué par
Fassbender sur l’intrigue de cette préquelle répond celle de l’acteur sur la
direction artistique du film : l’acteur-producteur d’« Assassin’s creed » ne semble pas vouloir quitter sa capuche d’assassin, et a ramené
avec lui le compositeur de la musique du film de Justin Kurzel…)
« Alien :
Covenant » surprend encore par l’intensité et la folie de sa grande scène
d’action : vers la fin du film, Ridley Scott orchestre un duel entre l’alien
et Daniels (l’héroïne du long-métrage) sur une plateforme volante, dans une
surenchère étonnante qui rend encore plus extraordinaire encore le (faux)
retour au calme qui la suivra.
La frustration des réponses
Jusque dans
ses lâchers-prises, le film est donc très maitrisé, et se révèle très malin pour
expliquer les origines de la créature, le fameux « xénomorphe » combattu
par Ellen Ripley tout au long de la saga « Alien ». L’explication est
une belle astuce scénaristique qui ne manque pas d’intelligence. Ce qui désarçonne
cependant c’est qu’« Alien : Covenant » lève une à une toutes
les interrogations ouvertes par « Prometheus »… On est à la fois ravi
d’avoir la réponse à nos questions, inquiet du contenu des suites éventuelles
(puisque suite il y aura) – que reste-t-il à raconter ? –, et déçu de ne
plus avoir de mystère sur lequel réfléchir en vain. Car un mystère, c’est quand
même ce qu’il y a de plus vertigineux et effrayant… Lorsque le film s’achève
sur une fin ouverte qui annonce une suite, on est donc bizarrement frustré : par
cette absence de réelle conclusion… mais aussi d’avoir eu le fin mot de l’histoire
à des interrogations vieilles de près de quarante ans.
On retiendra…
La terreur est de retour dans
l’espace : le film est parcouru jusqu’à sa fin par une formidable tension. Scénario
intelligent plein de bonnes idées, images sublimes (photographie et direction
artistique), scènes d’horreur crues.
On oubliera…
Une petite faiblesse du
scénario au début du film (les raisons du détournement du vaisseau sont peu
convaincantes) et surtout la frustration d’avoir la réponse à de vieilles
questions… et de subir pourtant une fin de film très ouverte.
« Alien : Covenant »
de Ridley Scott, avec Katherine Waterston, Michael Fassbender, Billy Crudup,…