Il y a des
retours qui forcent l’admiration. Alors même que les sagas cinématographiques
ne cessent d’être réactivées par les grands studios (en 2015 :
« Jurassic Park », « Terminator », « Star Wars »),
avec le souci, pour leur apporter une nouvelle jeunesse, d’engager de jeunes
réalisateurs, un nouveau chapitre à la saga « Mad Max » débarque sur
les écrans, signé par le même George Miller qui l’avait créé en 1979, trente ans
après le dernier épisode.
Justifié
George Miller, 70 ans,
semble revenir de loin – son précédent film était « Happy feet 2 »
(2011). Mais au regard du reste de sa filmographie ce n’est qu’un grand écart
de plus dans une œuvre à l’éclectisme unique.
Mad Max
aussi revient de loin - le héros fou qui a fait connaitre Mel Gibson avait pris
un sacré coup de vieux et commençait doucement à sombrer dans l’oubli. Or,
l’anticipation sur laquelle est construit l‘univers de « Mad Max »
(après une catastrophe, la Terre s’est asséchée en un désert, la civilisation
s’est effondrée face à la barbarie) est plus puissante que jamais : de 1979
à 2015, les préoccupations écologiques inquiètent plus que jamais, et le
pétrole reste la ressource la plus convoitée. Ce qui a changé, par contre, en
trente ans, ce sont les moyens technologiques du cinéma. C’est armé de ces deux
arguments que George Miller a sûrement convaincu ses producteurs de lui
financer ce retour mûri depuis longtemps.
Fracassant
Pour
« Mad Max : Fury Road », George Miller reprend le principe sur
lequel avait été construit toute la deuxième partie – déjà très impressionnante
– de « Mad Max 2 » : une course-poursuite d’engins automobiles
dans le désert. Et il en fait un opéra mécanique. Du bruit, de la fureur, du
sang et du pétrole : voilà l’essence de « Mad Max 4 ». Un
spectacle devant lequel le spectateur, fouetté par le sable, frappé par la
foudre, aveuglé pat la vitesse, sent un goût métallique s’emparer de son
palais, sans qu’il sache si c’est celui du sang ou celui d’une carcasse automobile.
Ce n’est plus du cinéma, c’est une orgie de fracas, d’explosions, de vitesse,
de tonitruance. Un vacarme infernal à vous déchirer les tympans, comme un concert
de métal au plus près de la scène. Une démesure de tôles froissées, d’hurlements
barbares, de châssis enflammées, d’éboulements de rocs, de membres charcutés,
de tirs de fusil, de rictus sauvages, de visions traumatiques, de rafales de
sable, de tornades titanesques. Une folie baroque, d’une violence impensable,
d’une liberté ahurissante, d’une invention constante.
Autant de
raisons qui en font le spectacle visuel le plus impressionnant produit au
cinéma depuis bien longtemps.
Rectiligne
Pour
foncer, il faut aller droit. Le scénario est donc volontairement épuré à une
intrigue minimaliste capable de supporter et d’alimenter une avalanche de
scènes d’action : à savoir une course-poursuite géante d’une ampleur
inédite dans l’histoire du cinéma. Ce scénario porté par une unique ligne
directrice propice à toutes les extravagances fait penser à celui de « The
Raid » (précédent jalon du cinéma d’action) et de « Snowpiercer ».
La
succession des scènes d’action est telle que le spectateur est rapidement
dépassé par ce qu’il vient de voir. La démesure de Miller fait éclater tous les
repères, au point que la notion du temps écoulé s’abolit. Impossible de savoir
quand ce film déraisonnable va s’arrêter : lorsque le film ralentit, semble
sur le point de se conclure, ce n’est que pour redémarrer de plus belle, plus
furieux que jamais, au mépris de la fatigue du spectateur, qui ressortira
extenué de la salle avec l’impression d’avoir vu cinq ou six blockbusters en
une seule séance.
Réinventé
Il ne
s’agit ici plus d’une « simple » suite à « Mad Max ». C’est
une réinvention totale de la saga phare de George Miller, qui s’impose dans le
panthéon des réalisateurs démiurges avec une force d’autant plus dingue que ce
retour était inattendu. « Mad Max : Fury Road » est un classique
instantané, protégé de la rouille grâce à la cohérence de sa direction
artistique renversante et l’usage limité des effets spéciaux numériques :
tout concourt en effet à faire du film un opéra mécanique, jusqu’aux images légèrement
saccadées dans les scènes d’action les plus intenses (ce qui rend l’action plus
lisible et rappelle le déroulement d’un mécanisme).
Face à un
tel tournage, on ne peut que s’incliner. Face à une telle œuvre, il n’y a plus
qu’à crier au chef-d’œuvre.
On retiendra…
Un opéra mécanique et baroque,
bâti sur l’ivresse de la vitesse et la jouissance de la violence, d’une
démesure totale, inimaginable jusqu’à ce qu’on l’ait vu.
On oubliera…
Tom Hardy compose un Mad Max
qui paraît parfois trop doux, trop sympathique pour que sa solitude farouche et
son indifférence cruelle paraisse plausible.
« Mad Max : fury road » de
George Miller, avec Tom Hardy, Charlize Theron,…