Ken Loach n’en
est pas à sa première sélection cannoise puisqu’il a déjà par le passé présenté
treize films sur la Croisette. Après son prix du jury pour « La part des
anges » (2012), Loach revient donc avec « Jimmy’s Hall », qui
raconte comment un dancing tenu par le Jimmy du titre a été perçu comme une
menace pour le pouvoir dans l’Irlande d’après guerre civile – d’après « Le
vent se lève », Palme d’or en 2006. Treize sélections déjà, et pourtant le
maitre anglais a réussi à faire de la projection de « Jimmy’s Hall » un
événement en annonçant lors de son tournage qu’il s’agirait de son dernier (et
vingt-sixième !) film de fiction. Décision dont il était heureusement
moins sûr au moment de la projection du long-métrage à Cannes. Heureusement,
car Loach est une figure majeure du cinéma européen dont on voudrait continuer
à suivre la filmographie, mais surtout parce qu’en se retirant maintenant, Loach
ferait ses adieux avec un film bien mineur.
Continuité
« Jimmy’s
hall » s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Loach. Il s’empare avec
son inséparable scénariste Paul Laverty, d’une histoire irlandaise, certes
méconnue, mais portée à l’écran par le cinéaste sans surprise. Le fait
historique est très intéressant car il révèle une époque, l’Irlande des années
1930. Il montre l’emprise quasi rigoriste de l’Eglise sur cette société très
figée, pas vraiment rétablie de la fin de la guerre, mais avide pour une partie
de changement, de libération, d’ouverture. Ken Loach saisit encore une fois
quelque chose de l’état d’esprit d’alors, montre un amour certain pour ses
personnages, tous attachants quel que soit leur camp. Il est aidé par une
distribution est exemplaire. Barry Ward est très charismatique dans le rôle de
Jimmy Gralton.
Gagner une cause déjà emportée
La réussite
de la construction des personnages, de l’interprétation ou encore de la
photographie qui oppose à la grisaille froide, humide et boueuse des extérieurs
la chaleur du Jimmy’s Hall est toutefois ternie par des imperfections de mise
en scène. On citera par exemple une séquence en montage alterné qui entremêle
passé et présent sans que le spectateur arrive à distinguer les deux convenablement,
les acteurs paraissant aussi âgés dans les deux époques.
Avec toute
la filmographie qu’il a bâtie, on sait d’avance quel camp Ken Loach soutiendra
dans cette histoire : on aurait donc aimé que sa position dans cette
histoire soit moins assénée. Lorsqu’il compare les deux camps, encore une fois
au cours d’un montage alterné, le cinéaste fait basculer son film dans la
comédie (volontairement) – mais ce changement de registre se fait au prix d’une
caricature. Le réalisateur n’avait pas besoin de forcer ainsi l’adhésion de ses
spectateurs aux associés de Jimmy Gralton – ils lui étaient déjà acquis par son
charisme.
« Jimmy’s
Hall » manque peut-être aussi de développements. L’intrigue sentimentale ne
convainc pas vraiment et peut même paraître plaquée – elle est en tout cas
paresseuse. L’éveil et les autres conséquences apportées par la réouverture du
Hall sont aussi bien rapidement esquissés. Ce qui intéresse et est dépeint avec
talent par Ken Loach est la transformation, bien malgré lui, de ce simple
ouvrier exilé en figure quasi révolutionnaire qui inspirera la jeunesse et
marquera les consciences malgré, ou à cause de, la répression absurdement
violente dont il a été victime. C’est dans ces scènes collectives qu’on
retrouve Ken Loach à son meilleur.
On retiendra…
Certaines scènes sont
traversées par un vrai souffle revendicatif, porté par le collectif et le
charisme discret de Barry Ward.
On oubliera…
Des erreurs de mise en scène
et des basculements de registre qui fragilisent la puissance du film.
« Jimmy’s hall » de Ken Loach, avec
Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton,…
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