On n’arrête
plus Wes Anderson. En huit longs-métrages, le cinéaste américain a réalisé une
formidable montée en puissance, développant une forme unique, qui s’exprime
bien au-delà de la seule identité visuelle : il y a une manière de cadrer,
de monter, de décorer « wesandersonienne », de même qu’il y a
des acteurs et une musique « wesandersoniens ». Avec « The Grand
Budapest Hotel », qui a ouvert la Berlinale puis y a remporté le grand
prix du jury, Wes Anderson renforce une fois de plus son style et fait encore
mieux que ses deux derniers chefs-d’œuvre, « Fantastic Mr Fox » (2010)
et « Moonrise kingdom » (2012).
Le pari réussi de la surstylisation
Le cinéma
de Wes Anderson ressemble à une bande dessinée filmée, par ses cadrages
géométriques, ses travellings latéraux et verticaux qui aplatissent l’image et
la profondeur de champ, mais aussi par son sens inouï du détail et de la
précision. Le contrôle qui semble s’exercer à tous les niveaux et dans chacun
des plans de ses films (des décors à la musique) expose une surstylisation qui
pourrait agacer mais au contraire enchante par la force ludique qu’elle imprime
à ses œuvres et par son inventivité sans cesse renouvelée. Un cadre idéal où l’auteur
déploie un burlesque inénarrable, qui passe aussi bien par l’interprétation des
acteurs que par des gags purement visuels. Mais bien que l’on rie beaucoup
devant les films de Wes Anderson, ses longs-métrages cachent toujours un fond
dépressif qui éclate par moments à l’écran. Une mélancolie sourde qui contraste
avec la gaieté affichée par ailleurs et lui apporte une émotion encore plus
précieuse.
Dans « The
Grand Budapest Hotel », Wes Anderson verse encore plus dans l’artificialité
: la maniaquerie de sa mise en scène est portée à un degré jusqu’à présent
inédit. Dans cette histoire à tiroirs, on suit les aventures de Monsieur
Gustave, concierge du Grand Budapest Hotel, et du « lobby boy » de ce
même hôtel, le débutant Zéro. L’hôtel est au faîte de sa gloire, mais la guerre
arrivant, les difficultés vont s’enchaîner, et le déclin, s’amorcer. Comme ses
personnages, obligés de se débattre pour survivre, ou forcés à la fuite, « The
Grand Budapest Hotel » avance à toute allure. Wes Anderson y démontre un
art de la relance et du mouvement qui donne un rythme trépidant à ces délicieuses
aventures – au point qu’on s’étonne, à la fin de la projection, de découvrir
que le film n’a duré qu’une heure et quarante minutes. Du grand cinéma !
Etrange écho
Ce n’est qu’une
coïncidence, due au hasard du calendrier des sorties, mais « The Grand
Budapest Hotel » m’a beaucoup fait penser non pas à « Shining »
(comme les cadrages géométriques dans cet hôtel perdu dans les montagnes aurait
pu le faire croire) mais à… « Nymphomaniac » de Lars von Trier. Les
deux films sont portés par une même ambition littéraire, où un personnage
raconte à un autre une version chapitrée de sa vie. Lars von Trier et Wes
Anderson ont tous les deux pensé à changer le ratio de leur image en fonction
des segments de leur histoire. « Nymphomaniac » comme « The Grand Budapest Hotel » multiplient les stars en seconds rôles, avec un point commun : Willem Dafoe, qui tient d'ailleurs un rôle presque identique dans les deux films. Les deux réalisateurs partagent aussi une même noirceur latente,
quoiqu’elle soit beaucoup plus sombre et dérangeante chez le danois.
La comparaison s’arrête ici, mais celle-ci permet néanmoins d’évaluer le gouffre
qui sépare un auteur en pleine possession de ses moyens de celui qui s’essouffle
et s’agite vainement.
On retiendra…
Ce n’est que son huitième long-métrage
et pourtant « The Grand Budapest Hotel » fait figure de film-somme du
cinéma de Wes Anderson.
On oubliera…
A verser dans une telle
surenchère de stylisation, on se demande ce que sera le futur du cinéma de Wes
Anderson.
« The Grand Budapest Hotel » de Wes
Anderson, avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Saoirse Ronan,...
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