C’est dernièrement
un des films qui a le plus agité la toile (celle du web, avant celles des salles
obscures). Et pour cause : « The canyons » de Paul Schrader ressemble
à l’inauguration d’une nouvelle manière de faire du cinéma. Réalisé avec un
budget de 250 000 $, dont plus de la moitié a été financée par
les internautes via la plateforme Kikstarter, « The canyons » a été
produit entièrement en-dehors des circuits traditionnels et est un nouvel
exemple, après « Rubber » de Quentin Dupieux (2010) des extraordinaires
transformations des modes de production qu’apporte le numérique.
Une
production rendue possible grâce à son casting très sulfureux (Lyndsay Lohan,
James Deen, mais aussi le réalisateur Gus Van Sant,…), à son scénariste qui ne
l’est pas moins (Bret Easton Ellis) et le nom de son réalisateur (plus connu en tant qu’auteur
des scénarios de « Taxi driver » et « Raging bull »).
Tournage houleux que l’on pouvait suivre en direct sur Twitter, trailers très originaux
suscitant l’attente, puis réception critique qu’il serait un euphémisme de
qualifier de partagée… Avant sa projection, « The canyons » ne pouvait déjà pas laisser indifférent.
Tant d’imperfections…
Après sa
projection, « The canyons » ne peut pas non plus laisser indifférent.
Que se cachait-il derrière cette micro-folie médiatique ? En lieu et sus
du thriller sombre et érotique annoncé, voici un film d’une extrême froideur. Mais
pas la froideur clinique des derniers films de Steven Soderbegergh (« Contagion »,
« Effets secondaires ») : une anesthésie émotionnelle, pas loin
d’être funèbre, qui contamine la matière-même du film. On reste ébahi devant la
mise en scène qui semble brouillonne, amateur, et qui frappe dès la première
scène du film – mais plus encore, on reste médusé par la direction d’acteurs
extrêmement… aléatoire. Le casting est un concours d’inexpressivité, où personne
ne semble à sa place. Le plus stupéfiant est la performance de Lyndsay Lohan,
qui ne semble pas être revenue de ses frasques. Son visage abîmé, sa voix
rocailleuse et son corps reconstruit lui donne l'allure et les geste d'un zombie.
… signifient une intention
De quoi,
déjà, faire de « The canyons » un film exceptionnel… mais pour de
mauvaises raisons. Cependant, on aurait tort de s’arrêter là. Le film surprend
énormément et suscite la réflexion. L’échec est-il artistiquement volontaire ?
Le sous-texte du film incite à le penser. Dès sa promotion, « The canyons »
se présentait comme un film racontant la mort du cinéma. L’intrigue est découpée
en chapitres signalées par des pauses dans la narration où se suivent des plans
fixes de cinéma abandonnés, tombant en ruines. L’histoire se passe à Los
Angeles, ses personnages principaux sont des acteurs et des producteurs. Et le
moins qu’on puisse dire, c’est que ceux-ci ne sont pas intéressés par le cinéma
en tant qu’art.
L’en-dehors
du film a aussi énormément d’importance : la méthode de production
choisie, la diffusion atypique du long-métrage (sorti dans quelques salles en Amérique
du Nord et en VOD, un mois avant sa projection hors-compétition à Venise – le réalisateur
du film faisant parti du jury), le buzz sur le web qui est devenu plus
remarquable que l’œuvre en elle-même… tout participe à cette logique funéraire.
Que vient renforcer le sentiment de ne pas voir les acteurs interpréter des
personnages mais eux-mêmes.
Le vide du
film ne peut donc qu’être l’expression de cette entreprise bizarre : en
plus de la raconter, Paul Schrader exprime la mort du cinéma en démolissant sa « dernière »
œuvre. Une bien étrange proposition.
On retiendra…
Défauts trop apparents pour ne
pas être volontaire, « The canyons » est un jeu… voire une
provocation. L’interprétation ravagée Lyndsay Lohan.
On oubliera…
C’est là le plus bizarre :
les défauts du film peuvent être classés en qualités, et vice-versa.
« The canyons » de
Paul Schrader, avec Lyndsay Lohan, James Deen, Gus Van Sant,…
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