On ne peut pas parler d’un roman
de Maurice G. Dantec sans évoquer l’auteur lui-même, capable du pire comme du
meilleur. En 1993 sort « La sirène rouge », simple polar. Deux ans
plus tard, Dantec signe « Les racines du mal », roman réunissant
polar, science-fiction et schizophrénie dans un mélange inédit qui imposât son
nom. Puis vient le succès de « Babylon babies » en 1999 (adapté de
manière suicidaire par Kassovitz en 2008 sous le titre « Babylon A.D. »),
sorte de suite de ses deux précédents romans. Comme ses ouvrages ne sont pas
publiés comme de la science-fiction, Dantec devient connu.
A la mi-août est paru
« Satellite sisters », la suite de « Babylon babies » qui
s’achevait sur une fin très ouverte. Une suite aussi attendue que redoutée car,
de 1999 à 2012, Maurice G. Dantec a fait n’importe quoi. Il prend des positions radicales, flirtant
avec l’extrême-droite, l’obligeant à changer deux fois d’éditeur. Ses romans
s’allongent et deviennent incompréhensibles, gloubi goulba mystico-théologique
toujours sur fond de SF et de polar. Une horreur. Ajoutez à cela de très graves
opérations où il frôle la mort en 2011, puis une nouvelle affaire l’opposant à
son éditeur actuel, RING, qui réclamerait un article entier, et vous
comprendrez pourquoi « Satellite sisters » fait figure de
chef-d’œuvre rescapé.
De roman en roman, Dantec s’est
forgé un style, de plus en plus radical, jusqu’à devenir complètement opaque
pour le lecteur. En revenant à ses premiers romans, Dantec revient aussi vers ses
lecteurs, mais sans revenir à la normalité. Si « Satellite sisters »
est bien la suite directe de « Babylon babies », le style a muté. Fini
la psychologie, fini les dialogues, fini la narration et fini les règles de
grammaire : bienvenue dans le futur. « Satellite sisters » est une
fuite en avant, d’une île du Pacifique jusqu’aux étoiles, dans la Terre de 2030
contrôlée par « l’ONU 2.0 ». On y retrouve le mercenaire Toorop, les
jumelles Zorn, aux côtés d’une double plante et d’une tri-machine schizomatricielle
communiquant télépathiquement par bio-photons. Décrit ainsi, ça a l’air dingue
et ça l’est bel et bien, mais tout ça est très sérieux. Avec une narration
jamais vue ailleurs, parfois incompréhensible mais qui ressemble plus que
jamais à de la poésie, Dantec donne réellement l’impression aux lecteurs de se
retrouver face à un roman venu du futur. Ce que certains appelleront des
élucubrations ne sont pas dénué de fondement (en ce qui concerne le Las Vegas
orbital par exemple). Il faut cependant prendre un peu plus de recul avec les
propos défendus par l’auteur, toujours prêt à provoquer (notamment vis-à-vis de
l’ONU), mais qui auront le mérite de bousculer le lecteur.
Une certitude : avec
« Satellite sisters », son meilleur roman, Dantec clôt et dynamite
ses premières œuvres, signant l’un des plus grands romans de science-fiction
française écrit ses dernières années.
« Satellite sisters »
de Maurice G. Dantec, éditions RING.
Bien que le quatrième de couverture assure du contraire, « Satellite
sisters » ne se lit pas indépendamment de « La sirène rouge »,
« Les racines du mal », « Babylon babies ». Il faut au
moins avoir lu « Babylon babies » avant de s’attaquer à
« Satellite sisters », et encore…
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