Katsuya
Tomita est japonais, mais il connait manifestement très bien la Thaïlande. Pour
essayer d’expliquer ce qu’est « Bangkok nites », on pourrait en effet
le résumer comme un portrait de ce pays. Le film raconte comment y sévit la
pire forme du capitalisme mondialisé, le tourisme sexuel (et psychotrope),
favorisé par des rapports coloniaux encore latents avec le Japon. L’œuvre de
Tomita n’est pas encore très fournie (quatre films, dont seuls les deux
derniers sont sortis en salles en France), mais elle est déjà très dense, rien
que par l’ampleur de ces films – « Bangkok nites » dure plus de 3h !
Réalisme hallucinatoire
Le film
commence fort : dès la scène d’ouverture, on est dans la sidération. Les
premières minutes exposent brillamment les mécaniques de la société qui sera
décrite tout au long du film, avec une mise en scène faussement simple à la
grande puissance visuelle. Après cette embardée initiale, le film se calme en
gardant un rythme égal, pendant que la mise en scène fait lentement évoluer le portrait
social, qui semblait coller au présent le plus contemporain (déjà très riche), vers
un portrait à plusieurs composantes, d’une grande profondeur. Le réalisateur
réussit en effet à faire surgir (parfois littéralement) de sa description du
présent ses racines historiques, dans une construction subtile, complexe et
très belle.
La
narration fait toute l’originalité du travail de Katsuya Tomita. Les scènes s’enchaînent,
mais elles ne sont que lâchement liées par une intrigue, qui se révèle petit à
petit mais reste très flottante. Cela produit une sensation de réalisme,
puisque les événements semblent advenir « naturellement », sans obéir
à une logique narrative dépassant les personnages. On ne comprend ainsi pas
vraiment si les scènes qui nous sont montrées ont une importance, voire si
elles ont un sens, ou s’il ne s’agit tout simplement que de de montrer du « présent ».
Par cette
manière très diffuse de raconter une histoire, le film acquiert vite une
structure brumeuse se rapprochant de celle des rêves… Ou plutôt
d’hallucinations, puisque de manière surprenante, le réalisateur se permet de
manière inopinée des tentatives stylistiques qui paraissent toujours incongrues
(irruptions de bruitages, de ralentis, plans figés, sursaturation de l’image,…)
car elles ne sont jamais reproduites. Ces hallucinations secouent le film de sa
torpeur, tout en le rapprochant encore plus de la texture des rêves. Ces hallucinations
peuvent être aussi prises au sens propre : le réalisme déployé par le film
n’empêche pas de brèves apparitions de fantômes et même de créature
mythologique. Des apparitions qui font forcément penser au cinéma du cinéaste thaïlandais
Apichatpong Weerasethakul, dont le film se rapproche.
« Bangkok
nites » ne peut ainsi être mieux décrit que par l’expression « réalisme
hallucinatoire ». Mais la beauté de ce style parait à la longue un peu
vaine lorsque, même sur la fin, la fiction reste obstinément éthérée, au point
de virer à l’insignifiance ou à l’incompréhensible.
On retiendra…
Un portrait sidérant de la
Thaïlande, racontée par le biais d’une fiction très lâche développant un
« réalisme hallucinatoire » unique.
On oubliera…
La longueur du film est
parfois pesante, de même que la signification hermétique de certaines des
scènes finales.
« Bangkok nites » de
Katsuya Tomita, avec Subenja Pungkorn, Katsuya Tomita,…
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