lundi 17 août 2015

Le trouble rouge (La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil)

Il est partout. Ce pourrait être un modèle de stakhanovisme artistique. Connu et reconnu pour ses bandes-dessinées, Joann Sfar écrit aussi des romans, des romans jeunesse, dirige une collection pour Bayard, se fait commissaire d’exposition, produit des émissions de radio, commente l’actualité via des caricatures ou la publication de journaux intimes… et réalise aussi des films. Après avoir adapté à l’écran la vie de Gainsbourg puis sa propre série de BD « Le chat du rabbin », Sfar livre une nouvelle adaptation de « La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil », roman policier de Sébastien Japrisot publié en 1966.


Amusement
Son goût pour l’éclectisme ne peut expliquer à lui-seul l’intérêt de Sfar pour ce projet cinématographique. Sfar a dû voir, dans le trouble ménagé par ce polar où l’héroïne se retrouve plongée dans un état de confusion extrême au point que délire et réalité se confondent, un espace d’expérimentations propice aux inventions visuelles et aux jeux avec le spectateur. C’est en tout cas ce vers quoi est tournée sa réalisation.
Le jeu, on le retrouve dès le titre à rallonge du film (qui fait très « Jeunet »). Par deux fois, Sfar le fera défiler lettre après lettre à l’écran avec un plaisir évident. Sfar s’amuse aussi à « bédéiser » le montage en utilisant dans des séquences de split screen les différents écrans comme autant de cases de BD. C’est inventif, intéressant et particulièrement approprié à cette histoire de machination où tout semble déjà avoir été joué d’avance.
La photographie collectionne les nuances de rouge et la bande originale les sonorités des années 60 (mais pas que). Citons encore Biolay, inquiétant et troublant, qui s’amuse aussi – et il le fait remarquablement bien – dans son rôle manipulateur.

Superfétatoire
Mais quelque chose ne passe pas. A force d’être ludique, Joann Sfar échoue à conférer un sérieux, une importance, à cette histoire. Les qualités relevées plus haut apparaissent comme des affèteries. Dès le début, les cassures systématiques des séquences, les sautes dans le temps, font que le film crie sa nature de puzzle. Cette artificialité semble vite totalement vaine et n’avoir d’autre but que d’embrouiller le spectateur. On devine que le montage est ainsi pensé pour recréer chez le spectateur l’état de confusion de son héroïne… mais l’étrangeté des séquences aurait suffi à créer ce trouble. D’où l’impression d’une sophistication superfétatoire, tape-à-l’oeil, parfois maladroite.
Malgré tout, le film n’est pas déplaisant à suivre… jusqu’à sa conclusion précipitée. Non content d’éclaircir, donc de tuer, tous les mystères travaillés avec tant de soin par la mise en scène et le montage, cette fin s’avère aussi complètement tirée par les cheveux. Cette grande explication finale abracadabrante a tout d’une arnaque. Le coup est dur, et donne l’impression que « La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil », jusque-là très prometteur, s’est perdu quelque part au montage : dommage.

On retiendra…
Les différents jeux dont le montage BD, le trouble inquiétant du début, l’interprétation de Biolay.

On oubliera…
Le film a été inutilement complexifié au montage, pour s’achever sur une fin levant tous les mystères mais très peu crédible.

« La dame dans l’auto avec lunettes et un fusil » de Joann Sfar, avec Freya Mavor, Elio Germano, Benjamin Biolay,…

1 commentaire:

  1. Pour vous, je vous recommande de regarder des films ici https://film4k.stream/ Le site est bon et il est facile d'y trouver vos films préférés

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