Après « Public
enemies », il aura donc fallu attendre six ans pour que Michael Mann
revienne sur les écrans de cinéma. Une période d’inactivité cinématographique
inhabituellement longue pour cet immense réalisateur qui, par ailleurs, ne s’est
jamais précipité. Est-ce à cause de difficultés de financement ? Si c’est le
cas, rebondir sera encore plus difficile pour Mann au vu de la carrière
américaine catastrophique de « Hacker ». Avec ce thriller d’inspiration
geek, le cinéaste s’attaque à l’ultra contemporain cyberespace.
Recherche visuelle
Les années
ont beau passer, la singularité du cinéma de Michael Mann n’a toujours pas
faibli. C’est un filmeur sans pareil, dont la sophistication visuelle
émerveille à chaque plan. Il est toujours le seul à avoir compris quelles
potentialités folles recelait le numérique pour créer de nouveaux types d’images.
Il poursuit dans « Hacker » l’expérimentation visuelle développée
depuis « Collatéral » (2004), avec ces images hyperréalistes qui
tirent doucement vers l’hallucination, notamment lors des séquences nocturnes,
d’une beauté toujours aussi stupéfiante. La sophistication des images de « Hacker »
est encore plus grande lors des scènes d’action du film, où éclate à la figure du
spectateur la force et l’invention visuelles du cinéaste. Mann fait s’opposer
la très haute résolution des images permise par la caméra numérique à leur
fréquence de défilement de 24 images par seconde, pour faire se mélanger et se
brouiller les notions de flou et de netteté. Ce régime visuel démultiplie la
violence des mouvements. Il lui suffit alors de filmer une course en steadicam pour produire une scène d’action optiquement
frappante et incroyablement haletante.
Comment cet inventeur visuel allait-il donc
représenter le monde caché numérique, l’anti-spectaculaire guerre cybernétique ?
En restant attaché à la matérialité du monde informatique. Mann se raccroche
coûte que coûte au visuel. Pas d’abstraction : les données numériques ne
sont que peu représentées (les lignes de code n’envahissent pas l’écran), ce
sont leur support physique qui concentrent l’attention du réalisateur. Ainsi, Mann
projettera ses spectateurs dès les premières minutes du film dans la
matérialité de l’informatique. Pour nous montrer la dissémination d’un malware,
la caméra nous embarque au cœur de micro-processeurs, se rapprochant dans un
zoom vertigineux jusqu’à la résolution des images de la microscopie
électronique, où s’emballent les données les données le long des pistes du
circuit, emballement qui raccorde avec l’explosion de ventilateurs géants d’une
centrale nucléaire. Images incroyables, qui laissent augurer d’un très grand
spectacle liant par des sauts le micrométrique au macroscopique, mais qui
seront curieusement abandonnées dans la suite du film.
Auto-remake
Mais ce refus de l’abstraction cache aussi une évidente
tentation classiciste. Le scénario de « Hacker » ne propose rien d’aussi
recherché que les démarches esthétiques avec lesquelles il est mis en images. L’opposition
a beau être délibérée, elle n’en produit pas moins des déceptions. Michael Mann
rejoue ici de nombreuses scènes directement tirées de ses films précédents, donnant
la bizarre impression d’assister à des bouts d’auto-remakes. Le couple de « Hacker »
joué par Chris Hemsworth et Tang Wei ressemble énormément, au point de les
confondre, à celui déjà interprété par Colin Farrell et Gong Li dans « Miami
vice ». Panne d’inspiration ? Ou interdiction de prise de risques ?
Si l’histoire
que nous raconte Mann semble déjà nous avoir été racontée, il est encore
capable de surprises. Le film contient un point de bascule digne d’une
déflagration, qu’on ne peut évidemment pas raconter, mais qui est sans nul
doute le sommet de cette œuvre.
Michael Mann prouve une fois de plus son indépendance
et ses capacités uniques de filmeur, mais semble être arrivé au bout de son
propre système narratif. La suite ne devrait en être que plus étonnante encore.
On retiendra…
Une manière véritablement unique
de filmer, une sophistication visuelle littéralement stupéfiante.
On oubliera…
Michael Mann fait se reboucler
son cinéma en revenant sur des scènes devenues stéréotypes de son œuvre.
« Hacker » de Michael Mann, avec
Chris Hemsworth, Tang Wei, Leehom Wang,…
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