Pour son
onzième film, Hayao Miyazaki abandonne le fantastique, merveilleusement étrange
et toujours émouvant, qui a fait son succès et l’a consacré comme l’un des
maîtres de l’animation. « Le vent se lève » (en compétition à Venise) est en effet inspiré de
la vie de Jiro Horikoshi, ingénieur aéronautique japonais qui permettra à son
pays de s’équiper, lors de la Seconde Guerre Mondiale, des terribles « Chasseurs
Zéros » utilisés par les kamikazes. Sujet historique mais pas moins
onirique que ses œuvres précédentes, puisque Horikoshi est avant tout un grand
rêveur dont on partagera tout au long du film ses visions. « Le vent se
lève » permet au maître de retravailler une fois encore les thèmes qui
parcourent son œuvre (quoique l’écologie soit moins présente ici), tout en
défendant une position dont la force aiguë vient de la nature d’œuvre ultime du
film.
Le souffle de l’animation
Le vent du
titre n’est absolument pas celui de la révolte comme chez Ken Loach (« Le
vent se lève », Palme d’or en 2006) mais une force qui poussera Horikoshi tout
au long de sa vie : c’est le vent qui l’enjoint à donner vie à ses rêves
(la construction du « Chasseur Zéro ») mais aussi qui lui fait
rencontrer sa femme. Le vent parcourt tout le film et lui insuffle sa vie, avec
une intensité et une beauté que seule l’animation permet, et ce depuis toujours :
c’est en faisant souffler des bourrasques sur les paysages que ceux-ci s’animent
en perdant la fixité de leur nature de dessin. Le vent, les nuées, les cieux
ont toujours été omniprésents dans les films du réalisateur, jusque dans leur
titre (« Nausicaä de la vallée du vent », « Le Château dans le
ciel », « Le Château ambulant »,…). Ici, tout le film lui est
dédié, puisque tout s’y raccorde, de l’image jusqu’aux détails du scénario (le
souffle manquant à la femme de Horikoshi). Les plus belles séquences sont
celles où s’envolent les constructions aéronautiques, qu’elles soient rêvées ou
réelles.
La création à tout prix
En
déclarant que « Le vent se lève » serait son dernier film, Hayao
Miyazaki a transformé la vision du celui-ci, le chargeant de sens. Miyazaki
tire sa révérence avec cette histoire aux échos autobiographiques qu’il devait
porter en lui depuis longtemps. Il y explique les raisons de son départ et
signe comme un manifeste pour la création.
C’est en
effet clair dès la première séquence du film, rêve aérien basculant en
cauchemar : Horikoshi n’ignore pas la nature duale de son travail, il est
aussi conscient que le spectateur que les avions dont il rêve serviront d’engins
de mort, que ses aspirations seront ternies par la guerre. Il décide pourtant
de continuer, et l’on serait prêt à applaudir cette ultime défense de la création…
si la création n’était pas présentée de manière aussi égoïste. Dans le film, Horikoshi
ira jusqu’à tuer à petit feu sa femme pour réaliser ses visions aéronautiques !
« Le vent se lève » s’achève lorsque l’ingénieur, son rêve accompli
mais désormais solitaire, se réfugie dans le songe… donnant une teinte
profondément mélancolique à la deuxième partie du vers de Paul Valéry avec
lequel résonne le film entier et cité à plusieurs reprises, « Le vent se
lève, il faut tenter de vivre ». Cet engagement radical que montre
Miyazaki est-il le sien ? Il confère en tout cas une grande mais
dérangeante beauté à son dernier long-métrage.
On retiendra…
Les séquences aériennes, la
douceur de l’ensemble et la musique.
On oubliera…
L’engagement de Horikoshi (Miyazaki ?)
est parfois si radical qu’il est difficile d’y adhérer.
« Le vent se lève »
de Hayao Miyazaki, avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto,…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire