Parmi les
nouveautés à l’affiche à la réouverture des salles de cinéma en France le
mercredi 19 mai 2021, se trouvait une anomalie : un film français de
science-fiction, qui assume pleinement son appartenance au genre, et à l’ambition
de grand spectacle visuel, « Le dernier voyage » de Romain Quirot. Ce
titre n’est pas seulement ironique – pour le premier long-métrage de son
réalisateur, et le premier film vu par ses spectateurs après six mois de
fermeture imposée des cinémas –, il est surtout programmatique – de l’histoire
racontée par le film, dont la fin ne surprendra de fait personne –, voire
autoprophétique – de la carrière de son réalisateur…
Exploit déceptif
Ça n’a
malheureusement pas beaucoup bougé depuis des décennies : réaliser un film
français de science-fiction relève de l’exploit. Romain Quirot se serait ainsi
battu pendant sept ans pour tourner « Le dernier voyage ». Cet état
de fait exacerbe d’autant plus les attentes autour de chaque projet qui
parvient jusqu’au grand écran : on attend de lui qu’il amorce enfin un
mouvement, et « ouvre la brèche » du genre en France.
Or il est
un exploit encore plus rare encore que l’existence d’un film de SF
français : un bon film de SF français. Malheureusement, « Le dernier
voyage » n’appartient pas à cette catégorie, il appartient même à la
catégorie opposée. L’espoir était donc grand au début de la projection, mais il
est aussitôt déçu dès les premières minutes. « Le dernier voyage »
promet pourtant beaucoup tout du long avec son ambition formelle folle pour un
premier film. Décors post-apocalyptique, voitures volantes, droïdes, voyages
dans l’espace : les effets spéciaux sont quasiment de tous les plans.
Mais, bien que soignées, ces images sont trop pétries de références et ne font
que rappeler des films déjà existants (tels que « Mad Max »,
« Le cinquième élément », « Minority report », « Star
Wars »… La liste serait longue à dévider). Elles échouent donc à créer un
univers propre. Surtout, ces images sont au service d’une histoire très faible,
sans surprise, pleine d’incohérences énormes, qui a la mauvaise idée de vouloir
développer la psychologie de ses personnages et de le faire avec des moyens
ridicules (les flash-backs en noir et blanc). Une histoire de plus malmenée par
un montage virant de manière répétée au clip, sans point de vue, accompagnée
d’une musique originale elle-même semblant copiée sur les grandes bandes
originales de films de SF... Même considéré avec l’indulgence d’un premier
film, le naufrage est terrible.
Le film
comporte quand même une autre réussite que celle purement technique de ses
effets spéciaux : l’interprétation de Paul Hamy. Il se révèle inquiétant
par ses grimaces et ses airs de folie, à la limite de la parodie, dévoilant une
palette de jeu encore inédite.
Cohérence méta
L’ampleur
du ratage explique sûrement pourquoi le film se retrouve sans préavis dans les
salles françaises dès leur réouverture. La concurrence est certes féroce avec
les autres films français, mais le désir des spectateurs pour retourner au
cinéma est massif, comme l’ont montré les chiffres de fréquentation de la
première semaine de réouverture – massif au point d’absorber les plus mauvais
films tels que « Le dernier voyage »…
Une telle
catastrophe est d’autant plus incompréhensible que la production du film a été
un parcours du combattant. S’il est aussi dur de convaincre des producteurs
français d’investir dans de la science-fiction, pourquoi est-ce que c’est un
scénario aussi faible qui se retrouve financé ? Une chose est sûre :
ce n’est pas « Le dernier voyage » qui changera la donne par rapport
au genre en France…
L’étrange
fascination pour le suicide qui parcourt le film (ressort narratif boiteux pour
rendre le film noir, sérieux, profond… ou vrai thème souterrain de
l’œuvre ?) apporte peut-être une explication à sa qualité : dans un
souci de cohérence « métafilmique », ce film sur le suicide est un
suicide artistique.
On retiendra…
L’interprétation déjantée et
inquiétante de Paul Hamy, les effets spéciaux incroyablement ambitieux pour un
premier film au budget aussi modeste.
On oubliera…
Le scénario, le montage, la
musique : ce « Dernier voyage » est un premier naufrage.
« Le dernier
voyage » de Romain Quirot, avec Hugo Becker, Lya Oussadit-Lessert,…
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