L’année précédente
était illuminée par « La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2 », dont
l’éclat rejaillissait sur tous les autres films de 2013. Or, en 2014, il n’y a
pas eu un chef-d’œuvre aussi évident et indiscutable. Sûrement par contrecoup, cette
année m’a donc paru plus faible. Et pourtant, ou peut-être justement, l’établissement
du traditionnel classement annuel a encore été très compliqué… Au final, ce qui
a permis de départager les huit premiers films de cette liste de quatorze longs-métrages est l’émotion qu’ils
procurent. L'émotion, c’est ce que doit être avant tout le cinéma. Et, à ce titre, « Interstellar »
est loin devant.
3. P’tit Quinquin
5. Mommy
6. Eastern boys
7. Edge of tomorrow
9. Bird people
11.
Winter sleep
12.
Sils maria
14.
Mercuriales
Le cinéma a
encore progressé en 2014. Richard Linklater a démontré la puissance du 7ème
art dans la représentation du temps qui passe (« Boyhood »). Xavier
Dolan s’est joué des formats de projection dans « Mommy ». Le vétéran
Jean-Luc Godard s’est essayé à la 3D avec « Adieu au langage » et a
carrément inventé une nouvelle manière de regarder un film. Lors de deux
séquences, il augmente progressivement l’écartement séparant les deux caméras
permettant le rendu en trois dimensions de la scène filmée, produisant une
nouvelle image « à monter soi-même » – qui fait très mal à la tête.
Bruno Dumont a montré qu’un cinéaste pouvait se réinventer complètement, se
renouveler sans se renier, et atteindre de nouveaux sommets. Le pas de côté
vers la comédie effectué dans « P’tit Quinquin », complètement
inattendu, est une excellente nouvelle : il prouve que rien n’est
impossible pour des cinéastes qui continuent de chercher. Jonathan Glazer a mis
dix ans à réaliser « Under the skin », c’est ce qui explique
peut-être la beauté mystérieuse de cette œuvre qui réussit à rendre étranger le
quotidien le plus banal qui soit. Quant à Virgil Vernier, on ne sait pas trop
ce qu’il a inventé, tant « Mercuriales » est un film insaisissable,
indéfinissable, qui semble ouvert à tous les possibles, et qui laisse au final
le souvenir persistant d’un voyage doucement mélancolique.
Le
classement est dominé par des films qui explorent le rapport du cinéma avec le
temps. « Boyhood » en est l’exemple emblématique, avec ce tournage
étalé sur douze ans, qui fait défiler une vie devant nos yeux et qui nous fait
sentir ce défilement. « Interstellar » raccorde les dilatations du
temps vécu par tout spectateur de cinéma lors d’une projection aux dilatations
du temps vécues par les personnages du film, soumis aux lois de la relativité. « Edge
of tomorrow » joue de la répétition d’une même journée avec une adresse et
une intelligence extraordinaires. « Sils maria » fait se télescoper
et s’emmêler passé et présent dans un tourbillon que l’on retrouve dans le très
beau montage fragmenté de « Saint Laurent ».
Beaucoup
des meilleurs films de ce classement sont des films imparfaits. Sans son
scénario et sa mise en scène trop doux, sa volonté trop affichée de banalité, « Boyhood »
aurait pu être le plus beau film du monde. « Interstellar » finit par
céder à la froide logique quasi mécaniste chère à Christopher Nolan, alors qu’il
aurait pu nous amener vers l’infini. Mais bien que l’on reconnaisse des limites
à ces films, ils ont tenté quelque chose. Ils ne sont pas restés figés dans une
maîtrise parfaite. « Bird people », « Mommy », « P’tit
quinquin », « Boyhood », « Mercuriales » veulent repousser
les limites de l’art, quitte à prendre des risques. C’est pourquoi « Winter
sleep » n’émerge qu’à 11ème la place. C’est un chef-d’œuvre, c’est
difficile de le nier. Tout y est admirable. Au point qu’il n’y a plus grand à
chose à en dire : il n’a rien vraiment osé.
Ces
imperfections ne sont donc pas du tout regrettables. Elles montrent que si le
cinéma a progressé en 2014, il peut encore progresser. C’est pour ça qu’il est
aussi passionnant.
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