Cent onze
mille cent onze, tel est le nombre de signes à respecter pour être publié dans
la collection 111 111 de l’éditeur Scylla. Sébastien Juillard est le
premier à relever le défi – mais en est-ce vraiment un ? Difficile pour le
lecteur de juger de la difficulté de l’exercice, tant la contrainte reste
invisible – ce qui est signe de réussite.
Peu importe
donc cette règle, là n’est pas l’intérêt de « Il faudrait pour grandir oublier la frontière ». Dans cette novella, Juillard imagine le futur de
la bande de Gaza, à une époque où semble-t-il toute guerre a cessé sur Terre
grâce au travail des Nations Unies. Le conflit israelo-palestinien est officiellement
réglé – mais la paix ne se décrète pas, et c’est ce que rappellera cette
histoire, et ce qu’explicite déjà son titre : il est encore trop tôt pour
que les hommes oublient les frontières qu’ils ont créé au-dehors et au-dedans d’eux-mêmes.
Une projection intelligente
Juillard
amène la science-fiction dans un territoire qu’elle n’explore presque jamais.
Prendre en charge ce territoire et son contexte, l’un des plus complexes qui
soit, exige un courage certain, qu’il convient de saluer. Regarder de face l’actualité
avec ce pas de côté de la projection dans le futur donne une oeuvre d’autant
plus forte qu’elle gagne sur le sujet une universalité la prévenant de toute
péremption, et d’autant plus adroite que l’auteur utilise finement les codes de
la SF pour avancer son propos.
Mais ce qui
séduit avant tout dans « Il faudrait pour grandir oublier la frontière »,
c’est l’écriture de Sébastien Juillard. Le climat chaud de la région, l’aridité
des paysages, ou les fêlures et blessures de ses personnages, tout est décrit
avec une langue très belle et travaillée, que l’on retrouve avec encore plus de
plaisir dans la nouvelle « La cigarette » donnée en fin de volume (reprenant
le personnage principal de la novella, quelques années plus tôt).
La
projection imaginée par l’auteur ne se comprend que par les fragments d’informations
disséminés çà et là au détour d’un dialogue ou d’une description. Ceci permet
de préserver une narration naturelle et intéressante, mais rend un peu ardu le
début du texte, qui peut paraître inutilement allusif. C’est bien là le seul
défaut que l’on pourrait citer à ce texte d’un nouvel auteur que veut nous
faire découvrir Xavier Vernet, directeur de la librairie Scylla à Paris. Veut,
et non pas va (ou pas encore), car les éditions Scylla ont besoin que leurs
futurs lecteurs précommandent ses deux premières parutions pour pouvoir exister :
pour lire Sébastien Juillard, participez à la campagne de financementparticipatif lancée par les éditions Scylla !
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