lundi 29 décembre 2014

Propheteus (Exodus : Gods and Kings)

Signe des temps ou retour cyclique des mêmes histoires, le péplum biblique fait un envahissant retour en grâce à Hollywood. En 2014, après l’écolo « Noé » de Darren Aronofsky, Ridley Scott livre sa version du mythe de Moïse dans un film pompeusement intitulé « Exodus : Gods and Kings ». Voir Aronofsky s’essayer au blockbuster biblique avait quelque chose d’extraordinaire, voir Ridley Scott faire de même quelque mois plus tard ne l’est pas du tout, tant le réalisateur a prouvé son goût pour l’éclectisme et sa capacité à rebondir de film en film d’un genre cinématographique à un autre (avant ce péplum, la SF de « Prometheus » et le thriller « Cartel ») selon une logique qui ne dit obéir qu’à sa seule liberté.


Viser à la monumentalité
         Après « Gladiator » (2000), « Kingdom of heaven » (2005), et même « Robin des bois » (2010), qu’est-ce qui pouvait bien intéresser Ridley Scott dans la réalisation de ce nouveau péplum ? Une raison est évidente : le mythe de Moïse est un formidable matériau pour la création de visions édifiantes et stupéfiantes. Les grands tableaux du mythe que sont les dix plaies d’Egypte et la traversée de la mer Rouge sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif, comme le prouve la dizaine d’adaptation du mythe au cinéma (la version emblématique étant « Les Dix commandements » de Cecil B. DeMille, de 1956). Armés des moyens numériques modernes, Ridley Scott ose sans scrupule le monumental. Tout est énorme dans « Exodus » : les bâtiments, les villes, les chantiers, la population d’esclaves, le nombre de guerriers… Le réalisateur, protégé par la qualité mythique de son histoire, n’a pas peur de la surenchère. Beaucoup de ces visions sont effectivement très spectaculaires. Il y a d’ailleurs quelque chose d’admirable dans ce blockbuster, qui cherche à divertir par la seule force de ces tableaux, et non pas par l’accumulation de scènes d’action (une seule bataille dans le film, en introduction, c’est presque une incongruité pour ce type de spectacle). Mais pas sûr que celles-ci soient aussi puissantes qu’espérées. Le problème du numérique est que, s’il permet de multiplier par dix, cent ou mille le nombre de figurants dans un plan large, l’effet de cette multiplication sur l’émotion sera à peu près nul. Parce qu’il connait « le truc », le spectateur est bien moins impressionné par les foules numériques de Ridley Scott que par les foules de figurants de Cecil B. DeMille… Là où « Exodus » s’avère réellement impressionnant, c’est donc lorsqu’il mêle à cette foule le spectacle colossal de la furie des éléments (des nuées d’insectes déferlant sur les marchés et les temples égyptiens aux rouleaux géants de la Mer Rouge se refermant). L’utilisation de la 3D rajoute encore au spectaculaire, puisqu’elle crée de saisissants jeux d’échelle.

Classique
        Il n’y a malheureusement pas grand-chose à retenir d’autre du film que ces plans spectaculaires. L’écueil majeur de l’adaptation d’un mythe connu de tous est qu’il est justement connu de tous. Ridley Scott n’a aucunement essayé d’y injecter du neuf. Contrairement à Darren Aronofsky qui faisait clairement de Noé un héros de l’écologie, Scott n’essaye pas de relier Moïse à notre présent. Le classicisme prime, l’histoire se déroule donc telle que le spectateur l’attend. Et ce n’est pas le compositeur Alberto Iglesias qui essaiera d’aérer le film, puisqu’il accompagne ses images avec une bande originale des plus pompières, constituant un vrai cliché de la musique de péplum. Seul objet d’intérêt  de la mise en scène de cette histoire : la représentation de Dieu, dont Ridley Scott se tire grâce à un enfant dictant ses volontés comme des caprices – ce qui n’est pas une mauvaise idée pour expliquer les invraisemblances du mythe.
        Le film se suit donc avec intérêt mais sans passion. Jusqu’au générique de fin, où le réalisateur dédie son film à son frère Tony Scott, qui reconfigure complètement l’appréciation que l’on pouvait avoir de cette histoire de deux frères qui se font la guerre car portés par des idéaux différents… Derrière le spectacle hollywoodien, y aurait-il un sens caché à « Exodus » ? Toutes les interprétations sont ouvertes, et d’un seul coup le film respire.

On retiendra…
Un blockbuster entièrement porté par ses visions monumentales.

On oubliera…
L’absence de regard neuf sur le mythe, la musique pompière.


« Exodus : Gods and Kings » de Ridley Scott, avec Christian Bale, Joel Edgerton,…

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