Naomi
Kawase est une des rares cinéastes à pouvoir se hisser en compétition à Cannes à
chaque film depuis sa Caméra d’or (pour « Suzaku » en 1996). « Still the water » était
même cette année le seul film asiatique de la compétition officielle. Après avoir
adapté un poème narrant une histoire d’amour entre trois montagnes dans le
formidable « Hanezu, l’esprit des montagnes » en 2011, ce nouveau
film au synopsis très malickien (« [Deux enfants] apprennent à devenir
adulte et découvrent les cycles de la vie, de la mort et de l'amour… ») était
très attendu.
A la recherche de la grâce
« Still the water » se déroule sur une île
de l’archipel d’Amami au Japon. Par son inscription très profonde dans la
nature de cette île et dans les rapports qu’entretiennent les habitants avec
cette nature, « Still the water » semble en permanence à la recherche
de ce qu’on appelle « la grâce » au cinéma : lorsque, par le jeu
des acteurs, la lumière, l’adresse d’un mouvement de caméra ou d’un raccord, des
images d’un film réussissent à se connecter à une émotion pure. C’est un état où
la scène d’un film semble tout à coup excéder le cinéma et en même temps le
réaliser, l’accomplir le plus parfaitement – c’est un moment toujours
bouleversant pour le spectateur. Or, fort regrettablement, ce film de Naomi
Kawase échoue presque constamment à atteindre cette grâce.
La faute, peut-être, à une mise en scène trop étudiée,
pour susciter cette grâce. Par exemple, le mutisme des personnages principaux
du film appuie trop sur l’idée de connexion à la nature… Le mystère entretenu
par le film, à la narration volontiers alambiquée alors qu’il ne raconte au
final pas grand-chose, participe aussi de cette sensation de mise en scène trop
consciente de ses effets.
Autre
défaut du film : on finit encore par s’agacer de cette photographie très
monochrome. Tout semble étrangement gris plutôt que lumineux dans « Still
the water ».
Le problème
du film ne tient pas tant à son sujet (le passage à l’âge adulte) qu’à son
incapacité à rendre ce sujet essentiel, à le montrer sous un jour nouveau. Sauf
en ce qui concerne une séquence, de loin la plus belle du film (à tel point que
si « Still the water » n’était pas si long, elle aurait pu le sauver) :
la mort de la mère de l’héroïne, montrée comme un moment d’une douceur infinie.
Cette scène d’une grande et grave beauté prouve que « Still
the water » avait le potentiel d’être un grand film (et relance l’espoir pour
les futures réalisations de Naomi Kawase). A l’image de ces scènes
sous-marines, autres moments d’une beauté folle, mais malheureusement réduites
au nombre de deux et pas forcément bien articulées.
On retiendra…
Le temps d’une scène, Naomi
Kawase réussit vraiment à incarner les cycles de vie, de mort et d’amour que « Still
the water » devait représenter…
On oubliera…
Une mise en scène trop
appuyée, qui montre ce qu’elle veut obtenir, sans du coup y parvenir.
« Still the water » de Naomi Kawase,
avec Nijirô Murakami, Jun Yoshinaga,…