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On ne s’est toujours pas vraiment remis de la tornade « Black swan » en 2011. Le succès de cet inoubliable film a donné confiance aux
producteurs d’Hollywood pour que Darren Aronofsky réalise son premier film à
gros budget. Celui-ci en a profité pour s’attaquer à l’un de ses rêves d’enfance :
« Noé ».
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Ce n’était pas forcément notre rêve à nous… Le « film
d’après », celui qui suit un chef-d’œuvre, est toujours attendu avec un
mélange d’espoir et de crainte. Mais un tel sujet – un péplum biblique –
ne faisait qu’exacerber les composantes de cette attente.
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Et au final… Après avoir vu le film, je suis
toujours autant déconcerté ! L’intention d’Aronofsky était claire : réaliser
une épopée monumentale, un opéra mythologique et écologiste.
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Je tiens à préciser que, bien évidemment, nul
prosélytisme religieux dans « Noé » : Aronofsky s’empare de ce
mythe comme il aurait pu le faire d’un héros de la mythologie grecque. Son but
est bien, avec cette figure de l’inconscient collectif, d’atteindre à une
grandeur épique.
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L’ambition était belle… mais elle n’est pas
complètement accomplie. Ce qui frappe tout de suite est la tonalité « heroic
fantasy » de cette histoire… pourtant issue de la Bible ! Paysages et
bestiaire fantastique (comme les Veilleurs, des anges déchus changés en pierre),
magie omniprésente, combat et batailles rangées… jusqu’au Déluge, c’est visuellement
très fort.
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Les paysages, comme la direction artistique,
sont aussi originaux qu’évocateurs. La Terre que parcourt la famille de Noé est
à l’agonie. Si ce monde nous émeut, c’est parce qu’en filmant cette désolation,
Aronofsky semble non pas nous décrire des paysages terrestres immémoriaux mais
ceux de notre futur, voire notre très proche futur… C’est d’une efficacité
redoutable.
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Quand « Noé » ressemble à un
cauchemar, la réussite d’Aronofsky est indéniable. Lorsqu’il montre l’humanité –
condamnée à périr lors du Déluge – dans ces efforts pour récupérer l’arche, le
film est une succession de scènes infernales, terrifiantes. Au moment du Déluge,
lorsque des trombes d’eau transforment chaque plan en enfer liquide, le
spectacle, comme le malaise qu’il provoque, est total. La puissance de la mise
en scène – les cadrages de la foule des hommes sous la tempête, alliée aux
vociférations et à l’interprétation démesurée de Ray Winstone, le chef de cette
foule – fait de cette séquence l’une des plus impressionnantes du cinéma d’Aronofsky.
« Noé » contient ainsi nombres de tableaux saisissant,
extraordinaires visions…
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… qui ne justifient pas, cependant, que l’on se
réjouisse de ce passage (isolé ?) d’Aronofsky au blockbuster. Le
réalisateur a trouvé avec « Noé » l’opportunité inédite de déployer
un sens visuel du spectacle à grande échelle qu’on ne lui soupçonnait pas forcément.
Mais cette attention au spectaculaire se fait au détriment des scènes plus intimistes, et
qui sont curieusement très basiques. Les personnages, comme leurs rapports, restent
très schématiques, trop rapidement brossés : un comble pour le réalisateur
de « The wrestler » et « Black swan » !
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Je pense que l’intention du réalisateur était
par la relative simplicité du comportement de ces quelques personnages, qui
ressemblent à des archétypes, d’atteindre à une grandeur digne d’un opéra…
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Ce mouvement de simplification ou plutôt d’essentialisation
s’applique à toute l’intrigue de « Noé », qui m’a souvent fait penser
à une bande dessinée dont il manquerait certaines cases – j’aurais aimé plus de
développements ! Si le Noé du film est un pur personnage « aronofskyen »,
entêté jusqu’à la folie dans la mission qu’il s’est imposé, ambigu et torturé,
l’interprétation brute et physique de Russel Crowe est loin d’être aussi forte
que celles de Mickey Rourke et Natalie Portman dans les deux précédents films
du réalisateur…
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Comme je l’ai déjà dit, la vraie performance du
film est celle de Ray Winstone, qui est monstrueuse.
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« Noé » n’est donc pas aussi puissant
qu’on aurait pu l’espérer, mais, malgré ses défauts, c’est un spectacle des
plus impressionnants.
On retiendra…
De grandes visions spectaculaires,
oniriques ou terrifiantes, toujours très évocatrices. La transformation inattendue
d’un épisode de la Bible en épopée mythologique d’heroic fantasy.
On oubliera…
Pour donner une force classique
à ce péplum, le scénario a été concentré et épuré jusqu’à l’essentiel, ce qui
transforme les personnages en archétypes. Des passages kitschs.
« Noé » de Darren
Aronofsky, avec Russel Crowe, Ray Winstone,...