Après avoir
réalisé un opus mineur en Amérique, « My blueberry nights » en 2007,
Wong Kar-Wai s’est lancé dans une nouvelle œuvre à la gestation interminable, « The
grandmaster ». Wong Kar-Wai fait partie des rares réalisateurs
contemporains à pouvoir préparer librement pendant plusieurs années un film (avec
Terrence Malick, Paul Thomas Anderson, Alexei Guerman,...) : ici, le tournage
s’est étalé sur 360 jours répartis sur trois ans ! Après les triomphes de « In
the mood for love » et de « 2046 », ce film historique d’arts
martiaux était énormément attendu comme le retour d’un des plus grands auteurs
contemporains.
Nouvelle ampleur
Aucun doute :
« The grandmaster » est un film monstre. Le film porte évidemment les
traces de son tournage : le montage peut paraître chaotique, inachevé.
Certains segments de l’histoire apparaissent puis disparaissent sans lien
véritable avec l'intrigue principale : ainsi en est-il du personnage
surnommé « La lame ». Wong Kar-Wai n’a donc pas changé sa manière de faire
un film, qui lui a permis de réaliser le chef-d’œuvre absolu qu’est « In
the mood for love ». Il est toujours autant adepte des ralentis, des
images saccadées, et de la réutilisation savante de musiques préexistantes.
Au-delà de
ces marques visuelles, « The grandmaster » ne raconte au fond une
histoire pas si différente de celles de ses précédents films : la passion
inavouée d’un homme et d’une femme. Ce thème que le réalisateur travaille et
re-travaille de film en film s’incarne ici dans un cadre plus ample, plus
épique, puisque « The grandmaster », plutôt qu’une biographie du « maître »
du titre - Ip Man -, est un film d’arts martiaux autant qu’un film historique sur
la Chine des années 1930 aux années 1950.
Paradoxe
Malgré les
magnifiques combats chorégraphiés, les reconstitutions historiques, on évolue
donc en terrain connu. Après six années d’attente, c’est le paradoxe de ce qui
était attendu comme un des sommets de la filmographie de Kar-Wai : on est
à la fois heureux de retrouver la mise en scène unique de l’auteur - et ébloui
par celle-ci - mais on est également déçu de voir que celle-ci n’a pas changé.
Peut-on reprocher à un auteur ce qu’on attend de lui ? « The
grandmaster » est une splendeur visuelle. Les chorégraphies des combats,
où les coups affectent autant les combattants que les éléments qui les
entourent sont sublimes – la plus belle étant le combat entre Ip Man et Gong Er
(qui a été tournée en deux parties, à deux ans d’intervalle !). Les
irrégularités de l’image, du scénario, des raccords entre des scènes tournées à
des mois d’intervalle rendent évident le statut d’œuvre à part de ce nouveau
film de Wong Kar-Wai.
Mais force
est de constater que quelque chose n’est pas à la hauteur de l’attente monumentale
provoquée par le tournage. Wong Kar-Wai n’a pas renouvelé sa mise en scène – si
le cadre est plus grand, il nous rejoue au fond une fois de plus le même film :
le sujet a gagné en ampleur, mais on ne
peut pas vraiment en dire autant de la puissance de son œuvre. Sa mise en scène
impressionnait à ses débuts – personne n’avait encore raconté ainsi une
histoire au cinéma. Aujourd’hui, si elle impressionne toujours, la nouveauté s’est
évaporée. Le plus grand ennemi de Wong Kar-Wai serait-il Wong Kar-Wai ?
On retiendra…
La mise en scène toujours
aussi sophistiquée de Wong Kar-Wai, les impressionnants combats chorégraphiés.
On oubliera…
Wong Kar-Wai n'étonne plus autant qu'auparavant.
« The grandmaster », avec Tony Leung,
Zhang Ziyi,...
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