Dans un village allemand
imaginaire à la veille de la Première Guerre Mondiale, d’étranges accidents à
caractère punitif se produisent. A chaque fois, les enfants du village se
retrouvent à proximité du lieu de l’accident.
L'art de la suggestion
A l’image du somptueux noir et blanc de sa
photographie, « Le ruban blanc » regorge de contraste. A de rares
exceptions, tous les rapports présentés dans le film sont des rapports
d’humiliation ou de domination, que ce soit d’un père envers ses enfants, d’un
baron envers ses paysans ou d’un pasteur envers ses fidèles. L’éducation
rigoriste et le puritanisme protestant pèse dans tous les rapports humains, au
point que le régisseur du village se retrouve incapable de montrer la moindre
marque d’amour, la moindre marque d’humanité autre qu’un « Merci »
lorsque son fils lui offre un canari. Partout règne la violence, mais une
violence cachée, suggérée, que le film révèle petit à petit au spectateur, et
qui rend hypocrite la droiture affichée par les personnages. La violence est
aussi bien physique que sociale ou mentale.
Toute la réussite de la mise en scène de Haneke est de
seulement suggérer cette violence, de la cacher au spectateur de la même
manière que les personnages du film la dissimule au reste du village. Tout se
passe derrière des portes fermées, la caméra arpentant les intérieurs plongés
dans la pénombre en restant dans les couloirs des habitations. La fixité des
plans fait écho à la rigueur imposée, mais la violence filtre par le son. La
séquence la plus violente est ainsi cette conversation qui vire soudainement à
l’humiliation entre la sage-femme et le médecin. Leur visage reste impassible,
et pourtant les paroles qu’ils prononcent choquent par leur virulence.
Cette
suggestion est une réussite car en ne levant jamais le doute sur les événements
décrits par le film, en n’apportant aucune réponse claire et définitive aux
questions que se posent le spectateur, Haneke fait courir un terrible suspense
tout au long de son film, et lui confère ainsi une extraordinaire intensité.
Manipulation sous haute tension
Pourtant, même si la mise en scène entretient le
doute, Haneke veut bien nous faire comprendre que les auteurs de ces crimes
sont les enfants du village. A travers « Le ruban blanc », le but de Haneke
est en effet d’évoquer la naissance du nazisme, et plus largement, dénoncer
tout intégrisme religieux. Par ce « faux » doute, la mise en scène du
grand moralisateur qu’est Haneke pourrait apparaître comme une basse
manipulation du spectateur, mais le procédé conquit par le suspense qu’il
engendre. Il est donc dommage que l’on ne retrouve pas un tel brio dans la
manipulation du spectateur dans son autre Palme d’or gagnée trois ans après, « Amour »
(2012).
Deux séquences m’avaient particulièrement marquées la
première fois que je l’avais vu :
la discussion bouleversante de l’enfant du régisseur avec la fille de la
sage-femme sur la mort, et les trois dézooms sur l’église du village
représentant les rumeurs qui enflent et enflent dans tout le village.
On retiendra...
Mise en scène magistrale, photographie magnifique, sujet très fort : Haneke à son meilleur.
On oubliera...
Néant.
« Le ruban blanc » de Michael Haneke, avec Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch,...
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