« Faust »
est un choc esthétique. Pour décrire une telle ambition, on ne peut que parler
de « film monstre ». Avec une telle œuvre, le réalisateur russe Alexander
Sokourov a très logiquement remporté un Lion d’or à Venise l’an dernier.
Un film
monstre ne se comprend que partiellement (à la première projection). En
regardant « Faust », le spectateur est soumis à un flux continu de
paroles, et comprendre l’enjeu des discussions incessantes du docteur Faust
avec son usurier, l’incarnation du Diable, est souvent ardu et peut-être
impossible. Le scénario est adapté de la pièce de théâtre de Goethe. Mais qu’importe,
la matière est là, et appelle à d’autres visionnages pour pouvoir être saisie
plus complètement. C'est ce qui rend les films monstres si exigeants : il faut accepter, lors de la projection, d’être dépassé par ce que l'on voit.
Ce qui n’empêche
aucunement d’être emporté par le film. On est d’abord ébloui par l’image du
film : « Faust » est un tableau en mouvement. Je doute que l’on voit plus belle photographie
cette année. Le format de l’image étonne déjà : carrée, aux bords
arrondis, elle fait penser à celle capturée par une très vieille caméra. Lorsqu’un réalisateur transforme son image pour lui donner une
référence picturale, celle-ci se retrouve souvent lissée. Ici, les couleurs
changent, l’image vit, respire comme jamais. Sans aucun souci d’uniformité, la photographie passe d’une
palette de couleurs, d’une référence picturale à une autre, au gré des
changements de décors (le lavoir, la taverne, la forêt,…) ou même des changements de plan.
Ebloui par
la mise en scène ensuite : tout est filmé dans une grande fluidité avec
une Steadicam toujours mouvante, fluidité qui s’oppose aux distorsions de l’image
sans cesse gauchie, tordue, anamorphosée. A ce travail sur l’image répond celui
sur la direction d’acteurs. Les mouvements des personnages sont toujours gênés,
par les décors, souvent étroits, ou obstrués par la foule. Les personnages sont
toujours en train de se débattre pour se déplacer, dans une agitation futile,
image de la vanité de la vie terrestre. De même, le travail sur le son est
aussi stupéfiant, aussi bien sur le mixage sonore que sur la bande originale.
Assurément une des plus grandes oeuvres cinématographiques de l'année.
On retiendra…
La photographie, qui n’a jamais aussi bien rendue l’idée
d’un tableau en mouvement. La mise en scène.
On oubliera…
Ce n’est pas vraiment un défaut : les dialogues sont
difficiles à saisir, le travail de traduction en français a dû être très
difficile.
« Faust » de Alexander Sokourov, avec Johannes
Zeiler, Anton Adasinskiy,…
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