Le
réalisateur des deux « Hellboy » est, enfin, célébré unanimement à
travers le monde, grâce à son dernier film, « La forme de l’eau »,
qui a réussi l’exploit de remporter le Lion d’or à Venise l’année dernière et de
figurer en tête des nominations aux Oscars. Une reconnaissance critique et
surtout publique fort bienvenues pour ce réalisateur, qui depuis le succès du
si beau « Le labyrinthe de Pan » (2006), a eu bien du mal à monter
ses projets : de « Les montagnes hallucinées » à « Le
Hobbit », on ne compte plus le nombre de films annoncés puis abandonnés
(temporairement ?) par Guillermo del Toro, faisant du réalisateur un « génie
frustré ».
Science du détail
Bien qu’il
remporte un succès beaucoup plus large, « La forme de l’eau » ne contient
aucune rupture dans sa forme comme dans son fond avec le reste de la
filmographie du réalisateur. Mais s’il touche particulièrement, c’est sûrement
parce que ce film-ci est une histoire d’amour, placée sur un registre drôle et
émouvant, qui lui donne un côté « feel good movie » qui fait
rapidement mouche. Il est difficile de résister aux personnages, formidablement
typés. La science du détail de Guillermo del Toro fait ici merveille :
chacun d’eux, mêmes les plus mauvais, sont attachants, inoubliables. L’impression
de bien-être procurée par le film n’empêche pas pour autant des moments noirs.
L’image est résolument sombre (la lumière du jour est absente), et le film
ménage de soudaines explosions de violence, qui sont si brusques qu’elles en
deviennent drôles.
Comme tout
film de del Toro, « La forme de l’eau » est évidemment un agrégat
d’hommages et de références, de tous les genres – jusqu’à la comédie musicale,
dans l’un des passages les plus émouvants et magiques (car si près du
grotesque). Par exemple, le design (merveilleux) de la créature évoque autant Abe,
l’être amphibie de « Hellboy », que « L’étrange créature du lac
noir » (1954) – dont del Toro devait un temps réaliser un remake. Mais le
film regorge aussi de références politiques, sociales, personnelles. Ce
fourre-tout visuel, allié à l’impression de « feel good movie »,
rappelle le cinéma de Jean-Pierre Jeunet (à sa meilleure époque).
En somme,
« La forme de l’eau » est un film enchanteur (malgré sa noirceur),
qui espérons-le, ouvrira de nouvelles portes à Guillermo del Toro.
On retiendra…
L’émotion procurée par le
film, sa drôlerie, et sa poésie visuelle.
On oubliera…
La forme du conte donne aux
métaphores un côté évident qui diminuent leur puissance.
« La forme de
l’eau » de Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins, Doug Jones, Michael
Shannon,…