mardi 11 avril 2017

Coquille vide (Ghost in the shell)

Depuis que Disney s’est lancé dans l’adaptation en prises de vues réelles de ses dessins animés à un rythme effréné, ce type d’adaptation semble être devenu une mode. Le projet de refaire « Ghost in the shell » en prises de vues réelles est pourtant plus vieux que ne le laisse penser cet hasard du calendrier qui le fait sortir quasiment en même temps que le très laid « La belle et la bête ». Malgré leurs nombreuses différences, les deux projets ont cependant un point commun : avoir été réalisés par deux faiseurs hollywoodiens, puisque Rupert Sanders ne signe ici que son deuxième film après « Blanche-Neige et le Chasseur » (2012).



Beau shell
S’il y a bien un point sur lequel le film est remarquable, c’est sur sa direction artistique. Tout est très beau. Le film donne à voir un futur extrêmement crédible où la réalité augmentée s’est infiltrée partout (sauf où il n’y a pas de richesse), et où l’artificiel est en passe de remplacer le naturel. Artistiquement il n’y a rien de vraiment révolutionnaire, tant les emprunts à « Blade runner » et Métal Hurlant en général sont criants, mais visuellement le film se distingue par l’attention rare et bluffante portée aux textures, dans cette société où le synthétique se mêle à la chair. Quant à la photographie blanc-bleutée, elle est sublime.

Pauvre ghost
Il n’y a malheureusement plus d’autres qualités à louer pour ce film : sorti du pur domaine de l’image, « Ghost in the shell » n’a plus beaucoup d’intérêt. L’intrigue est molle et très conventionnelle,  cochant toutes les étapes de la fiction « transhumaniste ». Tout ce qui faisait la beauté du film original de Mamoru Oshii a été perdue dans la trop grande volonté de transparence du film « live ». Ça commence ainsi très mal : les premières phrases prononcées dans le film expliquent illico la signification de son beau titre… qui une fois expliqué parait très bête.
Cette levée de mystère inaugurale annonce la suite, tout aussi décevante : « Ghost in the shell » version live s’acharne à dégonfler tout le vertige métaphysique du dessin animé. A force de tout expliquer et de ne jamais surprendre, par peur de sortir le spectateur de sa zone de confort (si typique des blockbusters), le film est vidé de toute émotion. On aimerait que ces si belles images remuent quelque chose en nous, mais il ne se passe rien de la première à la dernière minute, si ce n’est un sentiment de regret grandissant.
Pour ne rien arranger à ce déficit émotionnel, Scarlett Johansson joue son personnage de cyborg comme un robot – elle s’interdit donc d’exprimer la moindre émotion. A l’image du film tout entier, son interprétation est une belle mécanique froide. Mieux vaut la revoir dans cet autre « Ghost in a shell » : l’étrange et inquiétant « Under the skin ».

On retiendra…
La beauté et la force visuelle.

On oubliera…
L’absence totale d’émotion et de vertige métaphysique, l’ennui poli avec lequel se suit l’intrigue.

« Ghost in the shell » de Rupert Sanders, avec Scarlett Johansson, Pilou Asbaek,…

C’est pas la fête (La belle et la bête)

« La belle et la bête », dixième (au moins). Après le très beau film de Christophe Gans, Bill Condon a été chargé par Disney de porter une nouvelle fois à l’écran cette histoire dont l’adaptation maîtresse reste la version (à jamais indépassable ?) de Jean Cocteau de 1946. Mais il s’agit en fait moins d’une nouvelle adaptation du célèbre conte que du remake en prises de vues réelles du dessin animé de Disney de 1991, puisque ce film est une comédie musicale (le dessin animé ayant aussi été porté sur scène à Broadway). Pouvait-on raisonnablement attendre quelque chose d’un tel projet, confié au réalisateur des deux derniers « Twilight » ? Bien évidemment, non.


Hypocrite
Pour faire court, ce « La belle et la bête » est moche et mal fait. Les moments chantés sont si piètres qu’on regrette d’avoir osé émettre des réserves il y a quelques temps devant les passages musicaux de « La la land » : la comédie musicale est un art que Bill Condon ne maitrise pas du tout. Il ridiculise son actrice principale, Emma Watson, ne sachant pas comment la diriger lors de ses passages chantés.
Pour le reste, il est difficile de dépasser le sentiment de consternation provoquée par l’étalage de laideur déroulée par la direction artistique, qui se complait dans le kitsch.
Le seul risque artistique pris par ce décalque du dessin animé original est l’ajout d’un pseudo-discours féministe. Belle est indépendante, débrouillarde, experte en mécanique, prête au combat… Cette émancipation des héroïnes Disney est devenue si systématique (présente dans toutes les productions du studio depuis le succès de « La reine des neiges ») qu’on n’y croit pas une seule seconde, surtout lorsqu’il s’agit de raconter une histoire où l’héroïne intrépide, capable de tomber amoureuse d’un monstre habitant un château décrépit, finira heureuse châtelaine d’un palais dorée aux bras d’un noble bellâtre… Une hypocrisie (et ce n’est pas la seule) qui résume bien le projet du film : faire passer pour neuf du ringard et empocher la mise au box-office (et malheureusement, ça marche). On préfèrera, et de loin, la récente adaptation de Christophe Gans, nettement plus audacieuse et émouvante.

On retiendra…
Luke Evans est le seul qui semble un peu s’amuser.

On oubliera…
La laideur de la direction artistique, les passages musicaux, l’hypocrisie du film.

« La belle et la bête » de Bill Condon, avec Emma Watson, Dan Stevens, Luke Evans,…