La sortie
du deuxième volet de la trilogie « prequel » à « La planète des
singes » (après « La planète des singes : les origines », 2011), huitième film adapté de l’univers imaginé par Pierre Boulle en
1963, aurait pu être l’occasion parfaite de se désoler, une fois de plus, de
l’absence d’inventivité d’Hollywood, qui, en panne d’inspiration, exploite sans
vergogne les mêmes histoires – ou plutôt, les mêmes licences… Mais il suffit de
regarder l’ouverture de « La planète des singes :
l’affrontement » pour comprendre qu’on n’est pas du tout face à un énième
produit formaté pour l’été. C’est en fait tout le contraire ! Cette suite montre même qu’on était loin, très loin, d’avoir fait le tour de l’idée
maîtresse de la saga de « La planète des singes » – à savoir le
renversement sur l’échelle de l’évolution entre l’Homme et le singe.
Où sont les hommes ?
Une idée
toute simple, presque évidente, sous-tendait tous les films de la saga :
faire des singes les véritables héros du film… et reléguer au second plan les
humains. Cette révolution, Matt Reeves l’a enfin accomplie. A tel point qu’on
est tout aussi surpris que les singes, présentés tout au long de la première
partie du film, lorsqu’ils rencontrent des hommes au cours d’une sortie en
forêt. Une si longue exposition où n’évoluent que des animaux en images de
synthèse communiquant par signes semblait d’autant plus inespérée que « La
planète des singes : l’affrontement » est un blockbuster
estival !
Si les
apparitions des deux espèces équilibreront par la suite leur importance
narrative, le renversement a bel et bien opéré : ce sont les hommes les
« étrangers » de cette histoire. Cette impression est autant due
à leur relative absence de l’écran qu’à leur cadre de vie (les ruines envahies
par la végétation de San Francisco) : toute la direction artistique laisse
transpirer le sentiment que l’Homme n’a plus sa place sur Terre… A l’intrigue
du film de ménager, ensuite, un suspense efficace autour de la validité de
cette impression.
Le singe a
pris la place de l’Homme : le concept a beau être connu de tous les
spectateurs avant même le début de la projection, grâce à ce renversement
narratif inédit, il se révèle plus que jamais vertigineux…
Préserver son calme
L’intelligence
de ce dispositif, qui rend si brillant cette « Planète des singes »,
est portée par le rythme calme de la mise en scène de Matt Reeves. Le
réalisateur fait des relations entre ses personnages les enjeux majeurs de
cette histoire (il faut que chacun garde son calme), ce qui passe par tout un
travail sur les regards, et les gestes. Ainsi, l’intrigue de cet opus, bien que
sous-titré en France « L’affrontement », s’appuie sur les émotions, et
non pas les scènes d’action. Avec succès puisque jamais les relations
hommes-singes, qui se prêtent à tant de métaphores, n’avait été autant
creusées… Cette mise en scène redonne aussi du merveilleux dans un genre trop
souvent noyé dans les exploits artificiers.
Autre
prouesse, si rare dans un blockbuster : la guerre n’est pas attendue par
le spectateur comme un héroïque spectacle pyrotechnique « qui en donnera
pour son argent », mais redoutée comme la désolation sanglante et
malheureuse qu’elle est. Matt Reeves ne souligne pas l’épique des combats mais l’horreur
de toute scène de guerre, formidablement réactivée par le décalage de ces situations où
l’on voit des singes prendre les armes des hommes.
Cauchemars numériques
« La
planète des singes : l’affrontement » marque aussi un jalon de plus
dans l’invasion du cinéma par le numérique. L’abandon des costumes et des
prothèses, remplacés par la motion capture et les effets numériques pour figurer
les singes à l’écran, sert non seulement au réalisme du film mais ajoute aussi un
niveau de lecture absent des films originaux (les hommes se voient dépassés par
les créatures numériques qu’ils ont contribué à créer…).
Après une
telle réussite, on se réjouit même de savoir qu’une suite est en
préparation : « La planète des singes » n’a pas fini de
nous enchanter.
On retiendra…
Le renversement homme-singe,
autorisé par l’usage massif et convaincant du numérique, n’a jamais été aussi
vertigineux, d’autant plus que la mise en scène porte la réflexion.
On oubliera…
Le classicisme de cette
histoire produit des métaphores puissantes, mais il manque un soupçon de
mystère au scénario pour achever de faire de cet « Affrontement » un
chef-d’œuvre.
« La planète des singes :
l’affrontement » de Matt Reeves, avec Andy Serkis, Jason Clarke,…